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38. AU MÊME.

(Potsdam) ce 15 (avril 1756).



Mon cher frère,

On ne peut pas toujours faire la guerre, ni toujours avoir la paix; une belle science serait de faire tout à propos. Les États se gouvernent par des principes d'intérêt, et lorsque ceux-là ne s'accordent pas avec leurs vues d'agrandissement, ce serait insensé de perdre les troupes et l'argent (deux choses difficiles à retrouver), pour n'avoir que le plaisir de ferrailler. Plus les années deviendront nombreuses, et moins la guerre se fera, parce que les ressources ne seront pas proportionnées aux dépenses. Cependant jusqu'à présent il n'y a que la France et l'Angleterre en jeu;a la guerre ne se fait point sur notre continent, et tous nos voisins sont aussi tranquilles que nous, de sorte que, à mettre les choses au pis, leur expérience ne surpassera pas la nôtre. Il n'y a qu'à attendre; je ne crains point de ne point voir la guerre, elle nous attend; il ne s'agit qu'à ne se point presser et à prendre ses avantages. M. de Luxembourg et les grands généraux qui ont illustré le siècle de Louis XIV s'étaient formés dans la guerre civile. Cette école serait trop dangereuse pour que nous souhaitions d'en former à cette condition. Nous ne manquons point d'officiers remplis de talents; une bonne école les prépare, et la guerre les développera d'autant plus vite. Il n'y a qu'à avoir patience et voir venir. Vous assurant de l'amitié avec laquelle je suis, etc.


a Voyez t. IV, p. 31 et suivantes.