<204> sentiment; et tandis que l'on peut renoncer au bonheur et à l'agrément de la vie, on sent toujours qu'il est dur d'en être privé, et il n'y aurait d'ailleurs point de vertu à se passer des choses indifférentes.

Ma sœur de Baireuth a été à l'extrémité. Elle ne peut pas écrire. Je crains qu'elle ne relèvera pas de cette maladie. Elle ignore encore la mort de mon frère, et l'on appréhende avec raison que cette nouvelle fera évanouir le peu d'espérance que l'on a de son rétablissement.

Agréez que j'ajoute encore les sentiments de respect et d'attachement avec lesquels j'ai l'honneur d'être, etc.

40. AU PRINCE HENRI.

Klenny, près de Skalitz, 3 août 1758.



Mon cher frère,

Nous avons assez d'ennemis étrangers sans vouloir nous déchirer dans notre famille. J'espère que vous rendez assez justice à mes sentiments pour ne me pas regarder comme un frère ou comme un parent dénaturé. Il s'agit à présent, mon cher frère, de conserver l'État, et de faire usage de tous les moyens imaginables pour nous défendre contre nos ennemis. Ce que vous me dites de ma sœur de Baireuth me fait trembler; c'est, après notre digne mère, ce que j'ai le plus tendrement chéri dans le monde; c'est une sœur qui a mon cœur et toute ma confiance, et dont le caractère ne pourrait être payé par toutes les couronnes de l'univers. J'ai, depuis ma tendre jeunesse, été élevé avec elle; ainsi vous pouvez compter qu'il règne entre nous deux ces liens indissolubles de la tendresse et de l'attachement pour la vie que toutes les autres liaisons et la disproportion de l'âge ne