<216> une espérance éloignée qui ne guérirait pas notre mal présent. Les lettres de Baireutha me mettent au désespoir. Je suis bien malheureux depuis deux ans; il ne faut plus qu'une catastrophe là-bas pour m'achever de peindre. Il m'est impossible de vous en dire davantage; mon cœur est serré et trop attendri pour vous dire autre chose, sinon, mon cher frère, que je vous embrasse cordialement.

52. AU MÊME.

(Schönfeld) ce 21 (septembre 1758).



Mon cher frère,

Nous nous sommes partagé l'Elbe; vous avez la rive gauche, moi la droite; il ne nous reste qu'à suivre notre projet. Vous ne pouvez pas tenter des choses impossibles; mais je m'en repose sur vous des faisables. Il n'y a rien de nouveau de ce côté.

Ne m'ôtez pas, je vous en conjure, l'espérance, qui est la seule ressource des malheureux. Pensez que je suis né et élevé avec ma sœur de Baireuth, que ces premiers attachements sont indissolubles, qu'entre nous jamais la plus vive tendresse n'a reçu la moindre altération, que nous avons des corps séparés, mais que nous n'avons qu'une âme.b Pensez que, après avoir essuyé tant d'espèces de malheurs capables de me dégoûter de la vie, il ne me reste plus que celui que j'appréhende pour me la rendre insupportable. Voilà, mon cher frère, le fond de mon cœur, et je ne vous peins qu'une partie des idées lugubres qui y règnent. Mes pensées sont si noires aujourd'hui,


a Les mots imprimés en italique sont soulignés dans l'autographe.

b Voyez t. XXV, p. 49.