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396. AU MÊME.

Le 28 janvier 1785.



Mon très-cher frère,

Je vous suis très-obligé, mon cher frère, des éclaircissements que vous daignez me communiquer touchant la cabale qui a voulu précipiter M. de Vergennes. Ce qu'il y a d'heureux, c'est qu'elle a manqué. Quoique ce ministre ne soit pas des plus fermes, il pense pourtant en bon Français, et il s'est fait jusqu'à présent honneur par sa conduite. Toutes les nouvelles que je reçois sont aussi pacifiques que celles des passés huit jours étaient guerrières; l'Empereur ne forme point de magasins en Flandre, les Croates s'en retournent, et probablement quelques traits de plume décideront du sort de Mastricht et de l'Escaut. M. de Ségur doit, je crois, arriver aujourd'hui ici; je serai bien aise de le voir, et votre approbation, mon cher frère, y mettra le sceau le plus authentique. Les nouvelles de Pétersbourg disent qu'on veut à toute force donner un nouveau galant à l'Impératrice, mais qu'elle a les jambes enflées, et que son humeur est fort aigrie; on prétend qu'elle a abandonné ses plans de conquête, et qu'elle n'est plus guerrière du tout. On ajoute que cette levée de troupes n'est que pour rendre les régiments un peu moins incomplets qu'ils n'ont été; car quelques-uns comptent qu'ils ont perdu en Crimée et dans le Cuban trente-cinq mille hommes de différentes maladies. Voilà, mon cher frère, où nous en sommes à ce moment, et je vous avoue que cette perspective de pacification me fait grand plaisir. Je ne crains pas tant les projets de l'Empereur sur la Bavière : la France se déshonorerait en les tolérant. Mais l'Empereur tardera à mettre ce projet en exécution jusqu'à la mort de l'indigne Théodore; alors l'Europe verra éclore une nouvelle guerre, qui doit nécessairement devenir générale pour tout ce continent. Je souhaite