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22. AU PRINCE HENRI.

Königsbrück, 19 (novembre 1757).



Mon cher frère,

Je vous remercie de toutes les bonnes nouvelles que vous me mandez de chez vous.185-a J'espère que vous communiquerez au prince Ferdinand les avis que vous avez reçus du duc de Richelieu.185-b Je souhaiterais de vous donner d'aussi bonnes nouvelles d'ici; mais malheureusement je suis obligé de vous dire qu'hier j'appris la nouvelle que Schweidnitz s'est rendu. Je ne saurais vous dire des détails, mais il n'y a eu ni brèche, ni rien. Vous savez ma façon de penser; ainsi vous jugerez de tout ce qui se passe dans ma tête, sans que j'aie besoin de m'expliquer là-dessus. Je ne me laisserai cependant point distraire de mon projet, et arrive ce qui pourra, je ferai tous les plus grands efforts pour remettre les choses. Vous avez très-bien fait d'endoctriner le sieur de Mailly;185-c je souhaite, plus que je ne l'espère, qu'il réussisse. Faites, je vous prie, faire mes compliments à Seydlitz,185-d et ayez les plus grands soins pour votre personne. N'oubliez rien de tout ce que je vous ai si souvent dit quand nous nous sommes entretenus de l'avenir; car soyez persuadé que vous ne me reverrez que victorieux.185-e<186> Écrivez au maréchal Keith que nos gens m'ont la mine d'aller à Görlitz. Voilà tout ce que j'y comprends jusqu'à présent; mais Finck186-a écrit que Loudon est revenu à Freyberg, ce dont je crois que le maréchal doit être instruit. Adieu, mon cher frère; je suis avec une parfaite et sincère amitié, etc.

On me mande de Dresde que la reine de Pologne était morte d'un catarrhe suffocatif. Cela ne nous fait ni froid ni chaud.


185-a Le prince Henri, légèrement blessé à Rossbach, était allé se faire soigner à Leipzig.

185-b Voyez t. IV, p. 164 et 165.

185-c Le lieutenant-général comte de Mailly, fait prisonnier à la bataille de Rossbach, avait demandé un congé pour aller quelque temps en France. Il se proposait de conseiller à sa cour de faire la paix avec la Prusse.

185-d Le général de Seydlitz, blessé à Rossbach d'un coup de feu au bras, s'était rendu à Leipzig, où l'on avait fait l'extraction de la balle.

185-e Depuis la bataille de Kolin, Frédéric, menacé du naufrage, était décidé à penser, vivre et mourir en roi, comme il s'exprime dans des vers célèbres qui rappellent la belle réponse d'Alexandre à Parménion. Voyez Militärischer Nachlass des General-Lieutenants Victor Amadeus Grafen Henckel von Donnersmarck, t. I, IIe partie, p. 235, 236, 246, 301, 308 et 319. Voyez aussi notre t. XII, p. 47 et 56-63; t. XIX, p. 49 et suivantes; t. XXIII, p. 10 et suivantes, et p. 15 et suivantes; ci-dessus, p. 137; voyez enfin la lettre de Frédéric à la margrave

186-a Voyez t. IV, p. 154.