215. AU MÊME.

Potsdam, 5 novembre 1770.



Mon cher frère,

Je me réjouis de ce que le voyage fatigant que vous avez fait, mon cher frère, n'ait porté aucun préjudice à votre santé. Il est vrai que vous êtes bien récompensé de vos peines en voyant tous les établissements utiles et agréables que l'Impératrice a faits dans sa capitale. Ce qu'il y a de plus étonnant, c'est que cette grande ville, dont vous admirez la magnificence et la beauté, n'a pas existé au commencement de ce siècle, et qu'un terrain sauvage était tout ce qu'on trouvait alors où vous voyez maintenant une ville superbe. Cette nation, cultivée, s'est policée avec une rapidité incroyable. Tous ces progrès sont dus à son fondateur et à une suite d'impératrices qui ont adouci à leur cour ce que la nation avait encore conservé de son ancienne férocité. L'impératrice régnante met le comble aux travaux de ses prédécesseurs, et si ses vues vastes et grandes étaient toutes exécutées, la Russie serait dans peu la première nation de l'univers. Pour vous don<380>ner quelques nouvelles de l'Europe, je puis vous apprendre que l'on croit que le ministère d'Angleterre est sur le point de s'accommoder avec celui d'Espagne, de quoi je doute encore, parce que la nation a été mise en fermentation par les grands préparatifs de guerre que le gouvernement a ordonnés, et que, dans ce pays-là, la volonté du ministère est souvent obligée de s'accommoder à celle du peuple. On m'écrit de Hollande qu'on y dit l'électeur de Bavière mort; je n'en crois rien, parce que, si cela était, on me l'aurait mandé de Vienne et de Dresde. Je suis, etc.