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258. A LA MÊME.

Ce 16 (avril 1753).



Ma très-chère sœur,

Dès que ma sœur d'Ansbach est arrivée, je me suis d'abord informé de votre santé; elle m'a dit qu'elle vous avait laissée malade, ce qui m'a si fort frappé, en me rappelant cette cure de sympathie dont vous vous êtes servie, que, pour me tirer d'inquiétude, j'ai dépêché notre esculape pour Baireuth. Mon cœur a volé à vous; mais mon malheureux corps, enchaîné à la politique, ne peut le suivre. Je suis l'esclave de mon poste et de mon emploi, je ne suis pas maître de mes actions; sans quoi je serais chez vous. Veuille le ciel que cette santé si chère, que cette précieuse santé, que cette tendre amie, cette fidèle sœur me soit conservée! Je vous assure que toutes mes pensées ne sont remplies que de cet objet. J'ai dit à Cothenius de m'envoyer un exprès, pour que je sache si je puis être tranquille, ou si mon cœur doit être déchiré par la plus cruelle affliction. L'occasion est si sûre, que je vous prie de recevoir par le médecin ce que je vous offre du meilleur cœur du monde, et ce qui pourra pallier du moins une petite partie de vos pertes. Je vous embrasse mille fois, ma chère sœur. Je ne vous en dis pas davantage, pour ne me point attendrir; mais soyez sûr que vous n'êtes aimée de personne au monde aussi tendrement, aussi sincèrement, ni avec autant d'attachement que de votre très-fidèle frère et serviteur.