<XII> plusieurs périodes de grands chagrins, pendant lesquelles elle avait besoin de semblables distractions, il se présente ici une question fort difficile à résoudre. Quel est précisément le temps où elle a cherché le remède à ses peines dans la rédaction de ses Mémoires? Est-ce pendant la courte campagne que fit son mari en 1734?a Est-ce en 1739, lorsqu'elle eut découvert l'inclinai ion du Margrave pour mademoiselle de Marwitz? Est-ce enfin pendant sa grande querelle avec le Roi son frère, de 1744 à 1746? Comme toutes les données positives nous manquent, nous sommes réduit à avoir recours à des hypothèses, et voici celle à laquelle nous nous arrêtons. Il est probable que la Margrave a commencé à écrire ses Mémoires pendant la campagne de son mari, alors qu'elle se trouvait seule à Baireuth. Après ce premier jet, elle a sans doute continué, augmenté, corrigé son ouvrage avec le plus grand soin, non pas de suite, mais par intervalles, suivant qu'elle éprouvait le besoin d'écrire, ou qu'il survenait quelque nouveau fait ou quelque souvenir propre à y être introduit, quelque événement de nature à modifier ses premières assertions. Elle a dû travailler ainsi à cet ouvrage jusqu'à l'an 1746. Mais c'est dans les années 1744-1740 qu'elle doit en avoir écrit la partie la plus essentielle, et c'est à cette période que se rapporte certainement tout le mal qu'elle y dit du Roi. On peut citer à l'appui de notre hypothèse le t I, p. 46 et 47 des Mémoires, où, parlant de M. Duhan de Jandun, elle le nomme « ce pauvre garçon. » Or elle ne peut s'être exprimée sur ce ton de commisération qu'à l'époque de l'exil de Duhan, qu'elle voulait accueillir à Baireuth en 1735;b car après l'avènement de Frédéric, son vieux précepteur vécut à Berlin dans la position la plus douce et la plus honorable.c De plus, le commencement des Mémoires doit avoir été écrit avant la mort de Grumbkow, qui arriva en 1739; en effet, la princesse y parle de cet officier général comme d'une personne vivante.d Le passage relatif au baron de Pöllnitz, « fameux par ses Mémoirese et ses incartades, » t. II, p. 312 (1742), nous autorise à penser que la Mar-


a Mémoires, t. II, p. 139, 182 et suivantes, 190 et suivantes.

b Voyez ci-dessous, p. 41; t. XXVII. II, p. 39; Mémoires, t. 1, 251.

c Voyez t. XVII, p. m et IV, art. III, et p. 297-332; t. XXV, p. 557; et ci-dessous, p. 383.

d Voyez les Mémoires, t. I, p. 5.

e Mémoires du baron de Pöllnitz, contenant les observations qu'il a faites dans ses voyages, et les caractères des personnes qui composent les principales cours de l'Europe. Liège, 1734, trois vo+ lumes in-8; seconde édition, Londres, 1735, quatre tomes en deux volumes in-12. Voyez notre t. XX, p. V, VI et 91.