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56. A LA MÊME.

Ruppin, 30 avril 1738.



Ma très-chère sœur,

Vous avez trop de bonté de vouloir bien vous souvenir de moi d'une manière si obligeante. Ce n'est pas pour moi que je vous ai priée de mettre les dates à vos lettres, c'est pour la Reine, qui me paraissait trouver à redire que vous ne le faisiez pas. Je suis charmé de ce que la santé du Margrave s'est tout à fait rétablie. Je vous connais, ma chère sœur, vous vous serez bien angoissée pendant ce temps-là, et vous vous serez rendue malade vous-même. J'ai parlé avec un habile médecin de votre maladie; il s'appelle Superville;1_64-a mademoiselle de Grumbkow doit le connaître. Il m'a assuré qu'il vous guérirait, si vous le faisiez venir. Je vous prie, écrivez au Roi qu'il lui donne permission pour vous aller trouver; car je suis presque sûr qu'il vous rétablira tout à fait. J'espère que vous aurez assez d'amitié pour moi pour avoir égard à la prière que je vous fais. L'amitié que j'ai pour vous, et la véritable tendresse que vous m'avez toujours connue, s'intéresse trop à votre conservation pour négliger des avis que je vous crois salutaires.1_64-b

Votre M. Beust1_64-c et ses quatre enfants ne sont guère des morceaux friands pour la pauvre infante de Cassubie.1_64-d J'y aurais pensé plus<65> d'une fois, si j'avais été dans sa place. Je ne crois pas que ses camarades porteront envie à son destin. Le général Truchs est mort; le colonel Wartensleben a eu son régiment, qui porte le nom de carabiniers du Roi. Voilà toutes mes nouvelles; faute de mieux, je me recommande à l'honneur de votre souvenir, vous assurant encore de tous les sentiments avec lesquels je suis inviolablement, ma très-chère sœur, etc.


1_64-a Daniel de Superville, né à Rotterdam en 1696, séjourna quelque temps à Berlin avant d'être nommé, en 1724, médecin de la colonie française de Stettin. Appelé à Baireuth, il fut créé, en 1743, curateur et chancelier de l'université qui y fut alors fondée. Il mourut à Brunswic en 1776. Voyez les Mémoires de la Margrave, t. I, Avant-propos; t. II, p. 273 et suivantes; voyez aussi t. XIV, p. 178; t. XVI, p. 191; et t. XXI, p. 338 de notre édition.

1_64-b La Margrave dit dans ses Mémoires, t. II, p. 273 : « Mon frère me manda qu'il y avait un très-habile médecin à Stettin, qui avait beaucoup contribué à rétablir le Roi lorsqu'il avait eu l'hydropisie; que je devais prier ce prince de me l'envoyer. La lettre qu'il m'écrivit à ce sujet était des plus tendres. »

1_64-c L. c., p. 278.

1_64-d Voyez ci-dessus, p. 27.