270. A LA MÊME.

Le 10 février 1754.



Ma très-chère sœur,

Je voudrais bien que votre opiniâtre fluxion voulût vous quitter; elle est de trop bon goût, sans cela je la prierais de se loger chez moi.<272> Mais, ma chère sœur, les fluxions ne veulent pas même de moi; il n'y a que votre indulgence qui me supporte, et qui me rend impertinent. Je prends la liberté de vous envoyer des sottises, pour que vous voyiez avec quelles misères je m'amuse. Vous connaissez les personnes à qui ces Épîtres s'adressent; ainsi vous en sentirez l'a-propos. Voilà, en vérité, ce qui s'appelle bien employer son temps! Vous croyez, ma chère sœur, que je trouve en moi des ressources qui n'y sont pas. Mes passe-temps sont bien frivoles; mais, à tout bien compter, je me trouve plus heureux quand je puis m'occuper de ces bagatelles que lorsqu'il faut penser à des objets importants.

Je vous rends mille grâces de la lettre que vous avez eu la bonté de me communiquer; elle est assez vraie, et conforme à mes nouvelles. J'ai aussi reçu la table de marbre que je tiens de vos bontés; mais elle est arrivée cassée, et on est après à la raccommoder. Bon Dieu, que je suis sensible à votre amitié et à votre souvenir! Vous pouvez être bien persuadée que vous ne trouverez en aucun endroit ni chez personne un cœur plus reconnaissant que celui du vieux frère, et que toute ma personne, sans exception, est à vous. Je vous prie d'y ajouter foi, comme aux sentiments de la parfaite tendresse avec lesquels je suis à jamais, ma très-chère sœur, etc.