<90> pas que V. M. n'ait de bons alliés; mais je les trouve très-éloignés de la Suède, et par conséquent peu en état de l'assister. Elle me dit qu'elle est satisfaite des témoignages d'amitié que lui ont donnés ses voisins. Je me garderai bien de la troubler dans l'heureuse sécurité dont elle jouit, et, bien loin de me plaire à prophétiser des infortunes, j'aimerais mieux annoncer des prospérités. Cependant je déclare à V. M., comme à tout son royaume, que je ne me suis jamais cru prophète, ni voyant, ni inspiré; je ne sais que calculer l'avenir sur de certaines donnéesa qui peuvent quelquefois tromper par la vicissitude des événements, et qui souvent répondent au pronostic qu'on en a porté. Je pourrais me servir de la réponse de ce devin qui avait pronostiqué des malheurs qui menaçaient César, ce grand homme, aux ides de mars; César lui dit en le rencontrant : « Eh bien, ces ides de mars sont venues. » Le devin lui répondit : « Elles ne sont pas encore passées. »b V. M. sait le reste. Mais le cas n'est pas exactement pareil; la catastrophe de César n'est point à craindre pour V. M., et si des présages de l'avenir lui font de la peine, je puis comme un autre couvrir de fleurs des précipices pour les cacher à ses yeux. Elle peut toutefois compter que s'il y a quelqu'un qui souhaite de la soustraire aux hasards des événements, c'est moi, et que si les choses tournent autrement, ce ne sera pas ma faute, étant avec toute la considération et toute l'amitié possible, etc.


a Voyez t. XXV, p. 93.

b Valère Maxime, livre VIII, chap. II; Suétone, Vie de Jules César, chap. LXXXI; Plutarque, Vie de Jules César, chap. LXIII.