10. AU MÊME.

Le 1er janvier 1769.



Monsieur mon cousin,

Je souhaite à Votre Altesse pour la nouvelle année tout ce que je désire pour elle chaque jour de ma vie, savoir, de la santé, du contentement et toutes les prospérités qu'elle mérite. Je la remercie de la part obligeante qu'elle prend à ma personne. Du moins pouvez-vous être persuadé, mon cher prince, qu'on ne saurait s'intéresser plus<116> à ce qui vous regarde que je le fais. Vous vous plaisez à excuser la cour de France des insolences de son ambassadeur; cependant Choiseul2_116-a est un original qui ne le cède pas au sieur de Breteuil, et je crois que, en fait de prétentions, de chimères, de hauteur et de fierté, Choiseul est très-capable d'endoctriner M. son ambassadeur. Si mon approbation peut être de quelque poids, j'avoue que je la donne sans réserve à la conduite que vous avez tenue vis-à-vis de ce singulier personnage. Je désirerais encore, pour que cela fût parlait, que la république épousât la cause de son chef, et qu'elle fît connaître à la cour de France qu'elle ne voyait point avec des yeux indifférents les étranges procédés de son ambassadeur. Je suis persuadé qu'une déclaration pareille ferait son effet à la cour de Versailles, et que l'ambassadeur mettrait de l'eau dans son vin; car c'est s'abuser de penser que la France se trouve dans une situation à donner des lois à l'Europe. Jamais elle n'a été plus bas; ses finances ruinées, sa marine peu rétablie, ses forces de terre réduites à quatre-vingt mille hommes, est-ce là un épouvantail pour la république de Hollande? Il n'y a qu'à parler avec fermeté et dignité, et vous verrez ces bouffées d'orgueil se dissiper comme une vapeur légère que le vent emporte.

Je me réjouis des heureux progrès que ma chère nièce fait dans sa grossesse, et je fais des vœux pour que le dénoûment réponde à d'aussi beaux commencements. Je vous prie, mon cher prince, de compter toujours sur mon amitié, sur ma tendresse, sur mon estime, étant, etc.


2_116-a Voyez t. XIV, p. 200-210.