<296> des généraux qui leur étaient opposés? J'ose leur répondre hardiment, premièrement, que leur règle n'est pas générale; que, au siége de Dunkerque, M. de Turenne combattit aux Dunes Don Juan d'Autriche, le prince de Condé, Estevan de Gamare, les battit et prit la ville; que, lorsque Louis XIV assiégeait Mons, le duc d'Orléans son frère, ou plutôt M. de Luxembourg, qui commandait l'armée d'observation, battit auprès de Mont-Cassel le prince d'Orange, qui voulait secourir la ville; que le prince Eugène battit les Turcs auprès de Belgrad; que le comte de Saxe, assiégeant Tournai, battit le duc de Cumberland à Fontenoi, et qu'un reproche très-fondé que l'on fait à la mémoire du maréchal de La Feuillade et de Marsin est de n'être pas sortis des retranchements de Turin pour marcher sur le prince Eugène, qui s'approchait à grands pas de Turin, et que la France perdit l'Italie, l'année 1704, uniquement parce que les Français restèrent renfermés dans leurs retranchements, et ne s'opposèrent point aux progrès du prince Eugène. Voilà des exemples suffisants pour justifier la conduite d'un général moderne, qui doit suivre les grands modèles, et auquel la mémoire doit tenir lieu d'expérience; mais je ne m'en tiens pas là, et je dois ajouter des raisons particulières qui m'ont déterminé au parti que j'ai pris.

Presque toute l'Europe s'était liguée contre la Prusse; je ne devais point attendre que toutes ces forces unies vinssent fondre sur moi. Le duc de Cumberland avait besoin de secours; les cercles de l'Empire assemblaient des troupes; trente mille Prussiens qui, au mois de juillet, seraient marchés dans l'Empire auraient dissipé tous les fantômes des cercles, et auraient peut-être encore rechassé les Français de la Westphalie. La raison de politique voulait donc qu'on se débarrassât de l'ennemi le plus proche, pour que l'on pût détacher contre les autres. Plus d'une raison de guerre voulait la même chose. Premièrement, l'armée prussienne campée à l'entour de Prague, surtout celle de Michele, avait de la peine à trouver des fourrages, et il fallait lui