<12> les brouilleries qu'il y avait eu entre les deux cours, s'opposait sourdement, et il était soutenu auprès de l'Impératrice par le comte Orloff, qui était alors le favori déclaré de cette princesse. Les cours de Vienne et de Dresde intriguèrent sous main, autant qu'elles purent, pour traverser la négociation du comte de Solms. Les Autrichiens représentaient à l'impératrice de Russie que leur puissance était la seule dont l'alliance pût être avantageuse aux Russes, parce que la cour de Vienne était l'unique qui pût les assister contre les Turcs, leur commun ennemi. Les Saxons avaient d'autres raisons pour faire manquer les négociations du comte Solms : ils sollicitaient l'appui et la protection de l'Impératrice, afin de se frayer le chemin à la succession du trône de Pologne, au cas qu'Auguste III vînt à décéder. Les Saxons, gouvernés par le comte de Brühl, de tout temps ennemi des Prussiens, étaient d'ailleurs disposés à joindre leurs intrigues à celles de toutes les puissances qui pouvaient contrecarrer ou diminuer toutes les choses qui pouvaient donner au Roi de l'influence dans les affaires de l'Europe.
Il fallait un événement inattendu pour terminer et résoudre cette crise; il arriva à point nommé : Auguste III, roi de Pologne, mourut à Dresde le 5 octobre de la même année. Son fils, l'électeur de Saxe, suivit de près son père au tombeau; le petit-fils d'Auguste, qui devint alors électeur, n'avait pas encore atteint l'âge de majorité. Ces deux morts si promptes, et ce jeune prince en tutelle, changèrent subitement la face des affaires : depuis, les intrigues et les cabales des Français, des Saxons et des Autrichiens ne purent rien effectuer à Pétersbourg. Le comte Panin gagna le dessus et devint grand chancelier de l'empire; et par une suite de l'ascendant qu'il avait sur l'esprit de l'Impératrice, il lui persuada de placer un Piaste sur le trône de Pologne. Pour aller à jeu sûr, Catherine communiqua ses projets au roi de Prusse. Ce prince promit de les appuyer, et sans attendre la signature du traité qu'il négociait à Pétersbourg, son ministre à Varsovie