<54> fournissait une occasion favorable. De retour à Stockholm, on envoya des émissaires munis d'argent dans toutes les provinces du royaume, pour corrompre les députés et une partie des troupes; son frère, le prince Charles, se mit à la tête d'un de ces corps, pour le conduire à la capitale au secours du Roi. Mais le jeune monarque n'attendit pas son arrivée; il avait gagné le régiment des gardes et celui de l'artillerie; il s'empara par leur moyen de l'arsenal, fit braquer les canons sur les places et dans les rues, assembla le sénat intimidé par cet appareil qui lui était si nouveau, et se fit déclarer souverain par ce corps, qui représentait toute la nation.

Cet événement inattendu causa quelques inquiétudes à la cour de Berlin : le Roi s'était engagé par son traité avec la Russie à soutenir la forme de gouvernement établie en Suède l'année 1720. Ce prince n'ignorait pas la vive impression qu'une révolution aussi subite ferait sur l'esprit de l'impératrice de Russie. Le congrès de Fokschani venait à la vérité d'être rompu; mais les Russes et les Turcs étaient derechef en pourparlers pour en assembler un nouveau à Bucharest. Si la paix venait à se conclure entre ces deux puissances, il fallait s'attendre qu'incessamment la Russie travaillerait à remettre le gouvernement suédois sur l'ancien pied; le jeune roi de Suède, qui comptait sur l'appui de la France, ne se serait jamais désisté de bon gré de la souveraineté à laquelle il venait de parvenir. Ces causes allaient fournir des matériaux à une nouvelle guerre, dans laquelle le Roi aurait été obligé de combattre contre son propre neveu. La nature, qui parle aux cœurs des rois tout comme à ceux des particuliers, se révoltait contre ce parti. D'autre part, la politique et la foi des traités exigeaient qu'on le prît. Dans cet embarras, le Roi se servit de la cour de Vienne, afin que, par ses représentations à celle de Pétersbourg, on pût parvenir à calmer la première effervescence de la Russie. Les mouvements de colère et de vengeance l'auraient cependant emporté dans l'esprit de l'impératrice de Russie, si les Turcs n'avaient pas