<82> bien ménagés, fournirent tous les ans aux caisses royales les avances des frais de la campagne et de la paye de l'armée. Tel était l'état des finances lorsque la paix de Hubertsbourg fut conclue; les caisses étaient en fonds, les magasins formés pour la campagne étaient remplis, et les chevaux pour l'armée, l'artillerie et le train des vivres, tout était complet et en bon état. Ces ressources, destinées pour la continuation de la guerre, devinrent encore plus utiles pour le rétablissement des provinces.

Pour se faire une idée de la subversion générale dans laquelle le pays était abîmé, pour se représenter la désolation et le découragement des sujets, il faut se figurer des contrées entièrement ravagées, où l'on découvrait à peine les traces des anciennes habitations, des villes ruinées de fond en comble, d'autres à demi consumées par les flammes, treize mille maisons dont il ne paraissait plus de vestiges, aucunes terres ensemencées, point de grains pour la nourriture des habitants, soixante mille chevaux qui manquaient aux cultivateurs pour le labourage, et, dans les provinces, une diminution de cinq cent mille âmes en comparaison de l'année 1756, ce qui est considérable sur une population de quatre millions cinq cent mille âmes. La noblesse et le paysan avaient été pillés, rançonnés, fourragés par tant de différentes armées, de sorte qu'il ne leur restait que la vie, et de misérables haillons pour couvrir leur nudité. Point de crédit pour satisfaire seulement aux besoins journaliers que la nature exige; plus de police dans les villes; à l'esprit d'équité et d'ordre avait succédé un vil intérêt et un désordre anarchique; les colléges de justice et de finances avaient été réduits à l'inactivité par les fréquentes invasions de tant d'ennemis; le silence des lois produisit dans le public le goût du libertinage, et de là naquit une avidité du gain désordonnée : le noble, le marchand, le fermier, le laboureur, le manufacturier, tous rehaussaient à l'envi le prix de leurs denrées et marchandises, et ne semblaient travailler que pour leur ruine mutuelle. Tel était le