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CORRESPONDANCE DE L'EMPEREUR ET DE L'IMPÉRATRICE-REINE AVEC LE ROI AU SUJET DE LA SUCCESSION DE LA BAVIÈRE.[Titelblatt]

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CORRESPONDANCE DE L'EMPEREUR ET DE L'IMPÉRATRICE-REINE AVEC LE ROI AU SUJET DE LA SUCCESSION DE LA BAVIÈRE.

I. COPIE D'UNE LETTRE DE LA PROPRE MAIN DE L'EMPEREUR AU ROI DE PRUSSE.

D'Olmütz, le 13 avril 1778.



Monsieur mon frère,

Si j'ai différé jusqu'à ce moment-ci de remplir une promesse mutuellement contractée entre nous, tant à Neisse qu'à Neustadt, de nous écrire directement, c'est que, préparé à tous les événements, je voulais attendre que je fusse moi-même éloigné de la capitale, et par conséquent de tout ce qui peut ressentir finesse et politique, pour communiquer à Votre Majesté mes idées, que je crois plus analogues à nos vrais intérêts que toute brouillerie que nous pourrions avoir ensemble. Je les ai rédigées dans le projet de convention ci-joint, que j'ai l'honneur de lui envoyer. Je n'y ajoute aucune réflexion, bien certain qu'il ne lui en échappera aucune dont l'objet peut être susceptible. En même temps, je fais charger Cobenzl des pleins pouvoirs<206> nécessaires pour que, si Votre Majesté adopte ce projet, l'on puisse d'abord procéder à la signature; et si elle désirait quelque changement ou explication sur des accessoires, je la prie de me les faire connaître par sa réponse directement. Elle peut compter d'avance que je ne m'y refuserai pas, si je le puis; ainsi que naturellement tout sera dit, si cela ne lui convenait en façon quelconque.

Je serais vraiment charmé de raffermir par là de plus en plus une bonne intelligence qui seule doit et peut faire le bonheur de nos États, qui avait déjà si heureusement et avantageusement commencé, qui de ma part était d'abord fondée sur la haute estime et considération que le génie et les talents supérieurs de Votre Majesté m'avaient su inspirer, qu'une connaissance personnelle avait augmentée, et que je souhaite vraiment de perpétuer par des assurances et témoignages réitérés d'une amitié sincère, avec laquelle serai toujours



de Monsieur mon frère et cousin

le très-affectionné frère et cousin,
Joseph.

PROJET DE CONVENTION QUI S'EST TROUVÉ JOINT A LA LETTRE.

Sa Majesté l'Impératrice-Reine apostolique et Sa Majesté le roi de Prusse ont vu avec une vraie peine que les affaires de la succession de Bavière prenaient une tournure si critique et si embarrassante, que non seulement il y avait tout à craindre présentement pour la tranquillité de l'Allemagne, mais qu'aussi on devait appréhender dans l'avenir les suites les plus fâcheuses de conjonctures de la même espèce.

Et Leursdites Majestés étant animées l'une et l'autre du désir sincère d'écarter, pour autant que possible, tout ce qui pourrait altérer la bonne intelligence et l'amitié qui subsistent entre elles, ainsi que le repos général de l'empire germanique, elles sont entrées à ce sujet dans un concert amiable; et sur les éclaircissements et assurances

<207>donnés, d'une part, par Sa Majesté l'Impératrice-Reine, et suivis, de l'autre, des déclarations amicales de Sa Majesté le roi de Prusse, elles ont, dans cet esprit de conciliation, chargé leurs ministres respectifs, munis de leurs pleins pouvoirs, de conclure et arrêter une convention de la teneur suivante.

1o Reconnaît Sa Majesté Prussienne la validité de la convention faite le 3 janvier de l'année courante entre Sa Majesté l'Impératrice-Reine apostolique et Son Altesse Sérénissime Électorale palatine, ainsi que la légitimité de l'état de possession des districts de la Bavière occupés en conséquence par Sa Majesté Impériale apostolique.

2o Et attendu que, dans cette convention, les deux parties contractantes se sont expressément réservé la faculté de faire entre elles une convention ultérieure sur l'échange à régler d'après les convenances réciproques, soit des districts qui sont tombés en partage à Sa Majesté Impériale et apostolique et à la maison d'Autriche, soit de la totalité du pays, ou seulement de quelques parties; promet Sa Majesté Prussienne de laisser exécuter paisiblement les échanges en question, bien entendu néanmoins que les acquisitions à faire ne puissent porter sur aucun pays immédiatement limitrophe aux États actuels de Sa Majesté Prussienne.

3o En revanche reconnaît Sa Majesté Impériale et apostolique, d'avance, la validité de l'incorporation des pays d'Ansbach et Baireuth à la primogéniture de l'électorat de Brandebourg, et promet, de son côté,

4o De laisser consommer paisiblement tout échange qui pourrait être fait de ces pays d'après les convenances de Sa Majesté Prussienne, bien entendu néanmoins que les acquisitions à faire ne puissent porter sur aucun pays immédiatement limitrophe aux États actuels de Sa Majesté l'Impératrice, reine de Hongrie et de Bohême.

<208>

II. RÉPONSE DE LA PROPRE MAIN DU ROI A L'EMPEREUR.

De Schönwalde, le 14 avril 1778.



Monsieur mon frère,

J'ai reçu avec toute la satisfaction possible la lettre que Votre Majesté Impériale a eu la bonté de m'écrire. Je n'ai ni ministre ni scribe avec moi; ainsi Votre Majesté Impériale voudra bien se contenter de la réponse d'un vieux soldat qui lui écrit avec probité et avec franchise sur un des sujets les plus importants que la politique ait fournis depuis longtemps. Personne plus que moi ne désire de maintenir la paix et la bonne harmonie entre les puissances de l'Europe; mais il y a des bornes à tout, et il se trouve des cas si épineux, que la bonne volonté ne suffit pas seule pour maintenir les choses dans le repos et la tranquillité. Que Votre Majesté me permette de lui exposer nettement l'état de la question de nos affaires actuelles. Il s'agit de savoir si un empereur peut disposer selon sa volonté des fiefs de l'Empire. Si l'on prend l'affirmative, tous ces fiefs deviennent des timars,208-a qui ne sont qu'à vie, et dont le sultan dispose après la mort du possesseur. Or, c'est ce qui est contraire aux lois, aux coutumes et aux usages de l'empire romain. Aucun prince n'y donnera les mains; chacun provoquera sur le droit féodal, qui assure ces possessions à ses descendants, et personne ne consentira à cimenter lui-même le pouvoir d'un despote qui tôt ou tard le dépouillera, lui et ses enfants, de ses possessions immémoriales. Voilà donc ce qui a fait crier tout le corps germanique contre la façon violente dont la Bavière vient d'être envahie. Moi, comme membre de l'Empire, et comme ayant rappelé la paix de Westphalie par le traité de Hubertsbourg, je me trouve direc<209>tement engagé à soutenir les immunités, les libertés et les droits du corps germanique, les capitulations impériales, par lesquelles on limite le pouvoir du chef de l'Empire afin de prévenir les abus qu'il pourrait faire de sa prééminence. Voilà, Sire, au vrai, l'état des choses. Mon intérêt personnel n'y est pour rien; mais je suis persuadé que Votre Majesté me regarderait elle-même comme un homme lâche et indigne de son estime, si je sacrifiais bassement les droits, immunités et priviléges que les électeurs et moi avons reçus de nos ancêtres. Je continue à lui parler avec la même franchise. J'aime et j'honore sa personne. Il me sera certainement dur de combattre contre un prince doué d'excellentes qualités, et que j'estime personnellement. Voici donc, selon mes faibles lumières, des idées que je soumets aux vues supérieures de Votre Majesté Impériale.

Je confesse que la Bavière, selon le droit de convenance, peut convenir à la maison impériale; mais comme, d'ailleurs, tout autre droit lui est contraire dans cette possession, ne pourrait-on pas, par des équivalents, satisfaire le duc de Deux-Ponts? Ne pourrait-on pas trouver de quoi indemniser l'électeur de Saxe sur les alleux de la succession de Bavière? Les Saxons font monter leurs prétentions à trente-sept millions de florins; mais ils en rabattraient bien quelque chose en faveur de la paix. C'est, Sire, à de telles propositions, en n'oubliant pas le duc de Mecklenbourg, que Votre Majesté Impériale me verrait concourir avec joie, parce qu'elles seraient conformes à ce que demandent mes devoirs et la place que j'occupe.

J'assure à Votre Majesté que je ne m'expliquerais pas avec mon frère avec plus de franchise que j'ai l'honneur de lui parler. Je la prie de faire ses réflexions sur tout ce que je prends la liberté de lui représenter; car voilà le fait dont il s'agit. La succession d'Ansbach y est tout à fait étrangère. Nos droits sont si légitimes, que personne ne peut nous les rendre litigieux. C'est ce van Swieten qui m'en parla, il y a, je crois, quatre à six ans, et qui me dit que la cour impériale<210> serait bien aise s'il y avait quelque troc à proposer, parce que j'ôterais à sa cour la supériorité des voix dans le cercle de Franconie, et qu'on ne voudrait pas de mon voisinage près d'Éger en Bohême. Je lui répondis qu'on pouvait se tranquilliser encore, parce que le margrave d'Ansbach se portait bien, et qu'il y avait tout à parier qu'il me survivrait. Voilà tout ce qui s'est passé sur cette matière, et Votre Majesté Impériale peut être persuadée que je lui dis la vérité. Quant au dernier mémoire que j'ai reçu du prince Kaunitz, ledit prince paraît avoir eu de l'humeur en le dressant. La réponse ne pourra arriver ici qu'en huit jours. J'oppose mon flegme à ses vivacités, et j'attends surtout ce que Votre Majesté Impériale aura la bonté de décider sur les sincères représentations que je prends la liberté de lui faire, étant avec la plus haute estime et avec la plus haute considération,



Monsieur mon frère,

de Votre Majesté Impériale
le bon frère et cousin,
Federic.

S'il m'est arrivé de manquer au cérémonial, j'en fais mes excuses à Votre Majesté Impériale; mais, foi d'honneur, à quarante milles à la ronde il n'y a personne qui pourrait m'instruire.

<211>

III. LETTRE DE LA PROPRE MAIN DE L'EMPEREUR, ADRESSÉE AU ROI.

De Littau, le 16 avril 1778.



Monsieur mon frère,

Dans ce moment je viens de recevoir sa lettre. Je vois Votre Majesté dans une erreur de fait, et qui change entièrement sa longue tirade, mais surtout la question; cela m'engage donc, pour le bien de l'humanité, à la lui éclaircir par cette lettre. Dans tout ce qui s'est fait en Bavière, ce n'est point l'Empereur qui a agi, mais l'électeur de Bohême et l'archiduc d'Autriche, qui, comme coétat, a fait reconnaître ses droits, et s'est arrangé, par une convention libre et amicale, avec son coétat et voisin, l'Électeur palatin, devenu seul héritier des États de la Bavière. Le droit de s'entendre et arranger avec son voisin sans l'aveu d'un tiers a toujours paru jusqu'à présent un droit incontestable à quiconque n'est pas dépendant, et par conséquent tous les princes de l'Empire l'ont toujours exercé de droit et de fait.

Quant aux prétentions sur l'allodial de la cour de Saxe et du duc de Mecklenbourg, dont elle veut bien me parler, il me paraît que c'est une affaire litigieuse à décider devant qui il compète, ou à arranger uniquement avec l'héritier, qui est l'Électeur palatin, selon les pactes de famille.

Pour Sa Majesté l'Impératrice-Reine, je crois pouvoir assurer que le droit de regrédience dont elle a touché quelque chose dans la réponse qu'elle a donnée, elle pourra même ne plus le faire valoir, en faveur des autres héritiers allodiaux et pour leur faire plaisir.

<212>Pour le duc de Deux-Ponts, il est prouvé qu'il n'a aucun droit, tant que l'Électeur palatin existe, et il lui est libre d'accéder ou non à la convention qui s'est faite; et quoiqu'il ait autorisé préalablement l'Électeur à s'arranger en son nom et au nom de tous ses héritiers avec Sa Majesté l'Impératrice sur la succession de Bavière, ses droits resteront néanmoins intacts, et Sa Majesté ne se croira point obligée vis-à-vis de lui à sa convention, et par conséquent dans le cas de faire de nouveaux arrangements, ou de procéder par la voie légale que son bon droit lui donne vis-à-vis du duc de Deux-Ponts, lorsqu'il sera dans le cas de succéder à l'Électeur palatin.

Par les raisons ci-alléguées, qui sont toutes des faits prouvés, je crois que Votre Majesté sera convaincue entièrement que le mot de despotisme dont elle se sert, et que j'abhorre pour le moins autant qu'elle, est de trop, et que l'Empereur n'a fait autre chose, dans toute cette occurrence, que de promettre à un chacun qui se plaindra à lui en bonne forme et lui fera connaître ses droits, de lui administrer prompte justice, tout comme Sa Majesté l'Impératrice-Reine n'a fait que faire valoir ses droits et les constater par une convention libre; et elle saura par conséquent, avec tous les moyens qu'elle a, défendre ses possessions. Voilà le vrai état de la question, qui se réduit à savoir si quelque loi d'Empire empêche un électeur de faire avec son voisin un arrangement et une convention sans l'intervention des autres, qui leur convient mutuellement, ou non. J'attendrai avec tranquillité ce qu'il lui plaira de me répondre ou de faire. J'ai appris tant de choses vraiment utiles déjà de Votre Majesté, que si je n'étais pas citoyen, et que quelques millions d'êtres qui par là en souffriraient cruellement, ne me touchassent, je lui dirais presque que je ne serais pas fâché qu'elle m'apprît encore à être général. Néanmoins elle peut compter que le maintien de la paix, et surtout avec elle, que j'honore et aime vraiment, est mon sincère désir, et que quatre cent mille braves gens ne devraient point être employés à s'égorger mutuellement, et cela<213> pourquoi? et à quoi bon? et sans en prévoir surtout de part ni d'autre des fruits qui les puissent valoir. Voilà mes sincères réflexions; j'ose les communiquer à Votre Majesté avec toute la cordialité et franchise possible, étant avec la plus haute et parfaite considération,



Monsieur mon frère,

de Votre Majesté
le bon frère et cousin,
Joseph.

IV. LETTRE DE LA PROPRE MAIN DU ROI A L'EMPEREUR.

De Schönwalde, le 18 avril 1778.



Monsieur mon frère,

Les marques d'amitié que Votre Majesté Impériale daigne me donner, me sont d'un prix inestimable, car certainement personne ne la considère, et, si elle me permet de le dire, n'aime plus sa personne que je le fais. Si des causes imprévues donnent lieu à des diversités d'opinions sur des matières politiques, cela n'altère en rien les sentiments que mon cœur lui a voués. Puis donc que Votre Majesté Impériale veut que je lui parle avec ma franchise ordinaire sur les matières épineuses qui sont maintenant l'objet principal de nos occupations, je suis prêt à la satisfaire, à condition toutefois qu'elle aura la même indulgence pour ma sincérité qu'elle a bien voulu avoir jusqu'ici. Je la prie d'avance de ne pas croire que, séduit par une folle ambition, j'aie la démence de vouloir m'ériger en arbitre des souverains. Les passions vives sont amorties et ne sont pas de saison à mon âge, et ma raison a su prescrire des bornes à la sphère de mon activité. Si<214> je m'intéresse aux événements récents de la Bavière, c'est que cette affaire est compliquée avec l'intérêt de tous les princes de l'Empire, au nombre desquels je suis compté. Qu'ai-je donc fait? J'ai examiné les lois, les constitutions germaniques, l'article de la paix de Westphalie relatif à la Bavière, et j'ai comparé le tout à l'événement qui vient d'arriver, pour voir si ces lois et ces traités pouvaient se concilier avec cette prise de possession; et je confesse qu'au lieu des rapports que je désirais d'y trouver, je n'ai rencontré que des contradictions.

Pour en détailler plus clairement mes remarques à Votre Majesté Impériale, qu'elle agrée que je me serve d'une comparaison. Je suppose donc que la branche des landgraves de Hesse à présent régnante fût sur le point de s'éteindre, et que l'électeur de Hanovre, par un traité signé avec le dernier de ces princes, s'emparât de la Hesse sous prétexte de son consentement : les princes de Rheinfels, qui sont de la même famille, réclameraient sans doute cet héritage, parce qu'un possesseur de fief n'en est que l'usufruitier, et que, selon toutes les lois féodales, il ne peut transiger ni disposer de ses possessions sans le consentement des agnats, c'est-à-dire, des princes de Rheinfels; et devant tous les tribunaux de justice, l'électeur de Hanovre serait repris de s'être mis par les armes en possession d'un bien litigieux, et il perdrait sa cause avec dépens. Autre est le cas de succession d'une famille éteinte, de laquelle les héritiers ont droit de prendre possession, ainsi qu'il s'est fait en Saxe à la mort des ducs de Mersebourg, de Naumbourg et de Zeitz. Telles ont été jusqu'ici les lois et les coutumes du Saint-Empire romain.

J'en viens actuellement au droit de regrédience dont il est fait mention dans le manifeste que la cour impériale a publié. Je me souviens encore qu'en l'année 1740, le roi de Pologne fit valoir ce droit pour autoriser les prétentions qu'il formait sur la Bohême, du chef de la reine son épouse, et je me rappelle que les ministres autrichiens<215> d'alors réfutèrent vivement les arguments que les ministres de Saxe déduisaient de ce droit, que ceux d'Autriche persévérèrent constamment à trouver invalide et inadmissible. Or, se peut-il qu'un droit soit mauvais en un temps, et devienne bon dans un autre? J'avoue à Votre Majesté Impériale qu'il me paraît que cela implique contradiction. Votre Majesté Impériale ajoute dans sa lettre, à l'égard du prince de Deux-Ponts, qu'on pourrait s'accommoder avec lui à la mort de l'électeur de Bavière; elle m'enhardit assez pour que j'ajoute, Et pourquoi pas à présent? Car effectivement ce serait conserver les germes de nouveaux troubles et de nouvelles divisions, quand rien n'empêche de les prévenir dès à présent. Qu'elle ne trouve pas mauvais que j'ajoute encore un mot à l'égard de l'électeur de Saxe, qu'on veut assigner à l'Électeur palatin : mais il faudrait donc achever de dépouiller ce dernier, si l'on voulait satisfaire l'autre. Ne trouverait-on donc pas d'autres expédients pour le contenter? Je crois que la chose en vaudrait la peine; il faudrait les articuler, ces expédients; ils serviraient de points fixes sur lesquels on pourrait négocier.

Enfin, Sire, puisque Votre Majesté Impériale m'enhardit, puisqu'elle souffre qu'on lui dise la vérité, puisqu'elle est si digne de l'entendre, elle ne désapprouvera pas qu'en lui ouvrant mon cœur, je jette en avant quelques idées qui peuvent servir de matière de conciliation. Je crois toutefois qu'une discussion de cette nature exige d'être traitée par des ministres. C'est à elle à décider si elle veut charger de ses ordres à ce sujet le comte de Cobenzl, ou qui elle jugera à propos de nommer, pour accélérer un ouvrage aussi avantageux à l'humanité. Je confesse que c'est un chaos difficile à débrouiller; mais les difficultés doivent plutôt encourager que rebuter. Si on ne peut les vaincre, l'humanité exige au moins qu'on l'essaye, et si l'on veut sincèrement la paix, il faut la cimenter d'une façon durable. Que Votre Majesté soit persuadée que, d'ailleurs, je ne confonds jamais les affaires et sa personne. Elle a la bonté de me badiner. Non, Sire, vous n'avez pas<216> besoin de maître. Vous jouerez tel rôle que vous voudrez, parce que le ciel vous a doué des plus rares talents. Qu'elle se rappelle que Lucullus n'avait jamais commandé d'armée quand le sénat romain l'envoya dans le Pont. A peine y fut-il arrivé, que, pour son coup d'essai, il battit Mithridate. Que Votre Majesté Impériale remporte des victoires, je serai le premier à l'applaudir; mais j'ajoute que ce ne soit pas contre moi. Je suis avec tous les sentiments de la plus parfaite estime et de la plus haute considération,



Monsieur mon frère,

de Votre Majesté Impériale
le bon frère et cousin,
Federic.

V. LETTRE DE L'EMPEREUR.

De Königingrätz, le 19 avril 1778.



Monsieur mon frère,

La lettre amicale que Votre Majesté vient de m'écrire, me touche sensiblement, et si la haute considération et, j'ose le dire, vraie amitié que j'ai toujours eue pour sa personne, pouvait augmenter, certainement qu'elle serait bien faite pour cela. Je vais donner part à Sa Majesté l'Impératrice-Reine des intentions remplies d'humanité qu'elle contient, et qui sont dignes d'un aussi grand homme qu'elle. Je puis d'avance l'assurer que Sa Majesté a déjà donné et donnera encore à Cobenzl les instructions nécessaires pour recevoir et se prêter à toutes les propositions conciliatoires qui seront décentes et possibles, tant à ce que Sa Majesté se doit à elle-même qu'à son État, afin d'éloigner, tant pour ce moment que pour les occasions à venir, le fléau de la<217> guerre entre nos Etats respectifs. Quelque difficile que cela paraisse, si l'on veut bien, cela pourra réussir, et nous aurons par là acquis tous deux une gloire bien plus réelle que ne seraient toutes les victoires; et les bénédictions de tous nos sujets, la conservation de tant d'hommes, seront les plus beaux trophées qu'on pourrait acquérir; et il n'appartient à en sentir la valeur qu'à ceux qui, comme elle, apprécient le prix de rendre les hommes heureux.

Votre Majesté, en me parlant des moyens pour conserver la paix, paraît vouloir faire la guerre à ma raison par les compliments trop flatteurs qu'elle me fait, et qui devraient me tourner la tête, si je ne connaissais tout ce qui me manque en expérience et talents. Éloigné de toute vanité et du plaisir d'être prôné, par caractère, je lui avouerai néanmoins que je ne puis être insensible à l'estime et à l'approbation d'un bon juge comme elle. Je la prie de vouloir bien être persuadée des sentiments de la plus haute et parfaite considération et sincère amitié que je lui ai voués personnellement pour la vie, étant,



Monsieur mon frère,

de Votre Majesté
le bon frère et cousin,
Joseph.

VI. LETTRE DE LA PROPRE MAIN DU ROI A L'EMPEREUR.

De Schönwalde, le 20 avril 1778.



Monsieur mon frère,

Rien ne peut être plus glorieux pour Votre Majesté Impériale que la résolution qu'elle daigne prendre d'essayer à conjurer l'orage qui se prépare, et qui menace tant de peuples innocents. Les succès, Sire,<218> que les plus illustres guerriers ont sur leurs ennemis, se partagent entre bien des têtes, qui, par leur valeur et leur conduite, y concourent. Mais les bienfaits des souverains envers l'humanité leur sont uniquement attribués, parce qu'ils tiennent à la bonté de leur caractère, comme à l'élévation de leur génie. Il n'est aucune espèce de réputation à laquelle Votre Majesté Impériale n'ait droit de prétendre, soit que ce soient des traits de valeur, soit que ce soient des actes de modération. Je la crois également capable des uns comme des autres, et Votre Majesté Impériale peut être persuadée que j'agirai rondement, et me prêterai de bonne foi à tous les moyens de conciliation que l'on pourra proposer, d'une part, pour prévenir l'effusion de sang innocent, et de l'autre, Sire, par les sentiments d'admiration que j'ai pour votre personne, et dont les profondes impressions ne s'effaceront jamais de mon cœur. Que Votre Majesté Impériale soit persuadée que si je me suis hasardé à lui ouvrir les sentiments que j'ai pour sa personne, c'est l'expression pure et simple de la vérité. L'on m'accuse d'être plus sincère que flatteur, et je suis incapable de dire ce que je ne pense pas. C'est en attendant ce qu'il plaira à Votre Majesté Impériale de régler pour l'importante négociation dont il s'agit, que je la prie de me croire, avec tous les sentiments de la plus parfaite estime et de la plus haute considération,



Monsieur mon frère,

de Votre Majesté Impériale
le bon frère et cousin,
Federic.

<219>

VII. COPIE DE LA LETTRE DU MINISTRE DE RUSSIE A VIENNE, LE PRINCE DE GALIZIN, AU ROI.

Vienne, le 12 juillet 1778.



Sire,

Sa Majesté l'Impératrice-Reine m'a confié la résolution qu'elle vient de prendre de dépêcher vers Votre Majesté l'envoyé M. Thugut, chargé d'une lettre pour elle, ainsi que d'ouvertures tendantes à arrêter les progrès de la mésintelligence survenue entre les deux cours. Elle m'a requis de le munir d'un passe-port sous le nom de quelqu'un qui est attaché au service de mon auguste souveraine, ainsi que d'une lettre pour Votre Majesté.

J'ai d'autant moins hésité de me rendre à ses ordres et à sa volonté, que je suppose que la commission dont M. Thugut est chargé, sera agréable à Votre Majesté.

Rien n'égalerait mon bonheur, si, après avoir servi d'instrument à acheminer l'action la plus héroïque du règne de Votre Majesté, celle de rendre la paix à l'Allemagne, à la tête de ses puissantes armées, j'osais encore me flatter que Votre Majesté daignera agréer les hommages que je porte à cette occasion à ses pieds, et les sentiments du plus profond respect avec lequel je suis,



Sire,

de Votre Majesté
le très-humble, très-obéissant et
très-soumis serviteur,
Démétri prince Galizin.

<220>

VIII. RÉPONSE DE SA MAJESTÉ AU PRINCE DE GALIZIN A VIENNE.

Du camp devant Jaromircz, le 17 juillet 1778.



Monsieur le prince de Galizin,

Indépendamment de ce que la dernière négociation avec la cour de Vienne a été rompue, je ne suis pas si éloigné de la paix, que, si la cour de Vienne voulait faire des propositions acceptables et qui puissent se concilier avec le maintien du système du corps germanique, je ne fusse toujours très-disposé à les recevoir; et si M. Thugut est chargé de quelque proposition, je ne saurais me refuser, au bien de l'humanité, de l'entendre et de faire un dernier effort pour concilier ces troubles. Sur ce, je prie Dieu qu'il vous ait, Monsieur le prince de Galizin, en sa sainte et digne garde.

IX. COPIE DE LA LETTRE DE SA MAJESTÉ L'IMPÉRATRICE-REINE, ENVOYÉE PAR LE SIEUR THUGUT.



Monsieur mon frère et cousin,

Par le rappel du baron Riedesel et par l'entrée des troupes de Votre Majesté en Bohême, je vois avec une extrême sensibilité l'éclat d'une nouvelle guerre. Mon âge et mes sentiments pour la conservation de la paix sont connus de tout le monde, et je ne saurais lui en donner une preuve plus réelle que par la démarche que je fais. Mon cœur maternel est justement alarmé de voir à l'armée deux de mes fils et<221> un beau-fils chéri.221-a Je fais ce pas sans en avoir prévenu l'Empereur mon fils; et je lui demande même pour tout le monde le secret, quel qu'en soit le succès. Mes vœux tendent à faire renouer et terminer la négociation dirigée jusqu'à cette heure par Sa Majesté l'Empereur, et rompue à mon plus grand regret. C'est le baron Thugut, muni d'instructions et d'un plein pouvoir, qui lui remettra celle-ci en main propre. Souhaitant ardemment qu'elle puisse remplir nos vœux conformément à notre dignité et satisfaction, je la prie de vouloir répondre avec les mêmes sentiments aux vifs désirs que j'ai de rétablir notre bonne intelligence pour toujours, pour le bien du genre humain et même de nos familles, étant



de Votre Majesté

bonne sœur et cousine.
Marie-Thérèse.

COPIE D'UN POST-SCRIPTUM A LA LETTRE CI-DESSUS DE L'IMPÉRATRICE-REINE.

Ce 12.

C'est dans ce moment qu'arrivent les nouvelles du 8 et du 9 de l'armée, qui m'annoncent son arrivée vis-à-vis de nous. Je m'empresse d'autant plus à expédier celui-ci, crainte de quelques accidents qui changeraient la situation présente. Je compte, après le départ de Thugut, expédier un courrier à l'Empereur pour la lui marquer sans entrer en détail, pour empêcher par là peut-être quelques pas précipités, ce que je souhaite de bon cœur. Je suis



de Votre Majesté

bonne sœur et cousine,
Marie-Thérèse.

<222>

X. COPIE DU PLEIN POUVOIR DE LA PROPRE MAIN DE L'IMPÉRATRICE-REINE, DONT L'ORIGINAL A ÉTÉ RENDU, PAR ORDRE DU ROI, AU SIEUR THUGUT, A WELSDORF, LE 17 JUILLET 1778.

Plein pouvoir pour le baron de Thugut, afin de conclure avec Sa Majesté le roi de Prusse une convention, selon mes intentions, que je lui ai confiées.

Le 12 juillet 1778.

Marie-Thérèse.

XI. COPIE DES PROPOSITIONS DE SA MAJESTÉ L'IMPÉRATRICE-REINE.

I.

L'Impératrice gardera de ses possessions actuelles en Bavière une étendue de pays d'un million de revenus, et rendra le reste à l'Électeur palatin.

II.

Elle conviendra incessamment avec l'Électeur palatin d'un échange à faire de gré à gré de ces possessions contre quelque autre partie de la Bavière, dont le revenu n'ira pas au delà d'un million, et qui n'avoisinera pas Ratisbonne, ni n'aura l'inconvénient de couper la Bavière en deux, comme les possessions actuelles.

<223>III.

Elle réunira ses bons offices à ceux de Sa Majesté le roi de Prusse, pour ménager sans délai un arrangement juste et équitable entre l'Électeur palatin et l'électeur de Saxe, relativement aux prétentions de ce dernier sur l'alleu de Bavière.

COPIE DES ADDITIONS DU ROI AUX PROPOSITIONS CI-DESSUS.

IV.

L'Impératrice ne voudra-t-elle pas relâcher de ses droits sur quelques fiefs de la Saxe, dont elle prétend la suzeraineté en qualité de reine de Bohême?

V.

Ne pourra-t-on pas accommoder le duc de Mecklenbourg par quelque petit fief de l'Empire?

VI.

Est-ce que l'on conviendra encore de régler la succession de Baireuth et d'Ansbach selon qu'on l'avait stipulé dans le traité, en y ajoutant que l'électeur de Saxe se fera rendre l'hommage éventuel des deux margraviats, et que le roi de Prusse recevra également l'hommage de la Lusace?

VII.

Lèvera-t-on le blocus de la ville de Ratisbonne, où la diète de l'Empire est rassemblée?

Voilà à peu près des points dont il faudrait convenir pour pouvoir signer des préliminaires.

<224>

XII. COPIE DE LA RÉPONSE DU ROI A LA LETTRE CI-DESSUS.

Ce 17 juillet 1778.



Madame ma sœur,

Monsieur Thugut m'a rendu la lettre dont Votre Majesté Impériale et Royale a voulu le charger pour moi. Personne ne le connaît ici, ni ne saura qu'il y a été. Il était digne du caractère de Votre Majesté Impériale et Royale de donner des marques de magnanimité et de modération dans une affaire litigieuse, après avoir soutenu la succession de ses pères avec une fermeté héroïque. Le tendre attachement que Votre Majesté Impériale marque pour l'Empereur son fils et pour des princes remplis de mérite, doit lui attirer les applaudissements de toutes les âmes sensibles, et cela augmente, s'il se peut, la haute considération que j'ai pour sa personne sacrée. M. de Thugut a minuté quelques points pour servir de base à une suspension d'armes. J'ai dû y ajouter quelques articles, mais dont en partie l'on était déjà convenu, et d'autres qui, je crois, ne rencontreront guère des difficultés. En attendant, madame, que la réponse arrive, je ménagerai si bien mes démarches, que Votre Majesté Impériale n'aura rien à craindre pour son sang et pour un empereur que j'aime et que je considère, quoique nous soyons dans des principes différents à l'égard des affaires d'Allemagne. M. Thugut va partir incessamment pour Vienne, et je crois que dans six ou sept jours il pourra être de retour. En attendant, je fais venir des ministres pour mettre la dernière main à cette négociation, au cas que Votre Majesté Impériale et Royale<225> daigne agréer quelques articles nécessaires que j'ai ajoutés pour que les préliminaires puissent être signés. Je suis avec la plus haute considération,



Madame ma sœur,

de Votre Majesté Impériale et Royale le bon frère et cousin, Federic.

XIII. COPIE D'UNE SECONDE LETTRE DE SA MAJESTÉ L'IMPÉRATRICE-REINE, ENVOYÉE SOUS SIMPLE COUVERT DU PRINCE GALIZIN, SANS LETTRE DE CE MINISTRE.

Ce 22 juillet 1778.



Monsieur mon frère et cousin,

Thugut est arrivé hier fort tard, et m'a remis la lettre de Votre Majesté, du 17 de ce mois. J'y ai vu à ma grande satisfaction ses sentiments conformes aux miens pour la paix, et tout ce qu'elle veut me dire d'obligeant. Ayant informé l'Empereur de l'expédition de Thugut, je vais lui communiquer tout de suite ce qu'il m'a rapporté. Je m'empresserai, dès que je serai en état, de lui donner tous les éclaircissements qu'elle me demande. En attendant, je suis avec toute l'estime,



Monsieur mon frère et cousin,

bonne sœur et cousine,
Marie-Thérèse.

<226>

XIV. COPIE DE LA RÉPONSE DU ROI A LA LETTRE CI-DESSUS.

Ce 25 juillet 1778.



Madame ma sœur,

La lettre que Votre Majesté Impériale et Royale a eu la bonté de m'écrire, m'est bien parvenue. J'attendrai, madame, ce qu'elle et son auguste fils jugeront à propos de décider sur la situation actuelle des affaires, et je dois prévoir des suites heureuses de leur sagesse et de leur modération. Je réitère encore à Votre Majesté Impériale et Royale l'assurance que je lui ai donnée précédemment, que je compasserai si bien mes démarches, qu'elle pourra être sans inquiétude sur le sort des personnes qui, à bon droit, lui sont chères et précieuses. Rien de décisif ne se passera avant, madame, que Votre Majesté Impériale et Royale n'ait jugé à propos de me faire tenir sa réponse. Je suis avec toute l'admiration et la plus haute considération,



Madame ma sœur,

de Votre Majesté Impériale et Royale
le bon frère et cousin,
Federic.

<227>

XV. COPIE D'UNE LETTRE DU ROI A SA MAJESTÉ L'IMPÉRATRICE-REINE.

Ce 28 juillet 1778.



Madame ma sœur,

Quelque éloignement que j'aie d'importuner Votre Majesté Impériale et Royale par mes lettres, j'ai cru cependant devoir, dans les conjonctures actuelles, lui présenter quelques idées qui me sont venues touchant la pacification générale de l'Allemagne. Je les ai crues les plus propres à concilier promptement les démêlés actuels. Je les soumets aux lumières supérieures de Votre Majesté Impériale, la priant, supposé même qu'elle ne dût pas les agréer, de les attribuer uniquement à la sincérité avec laquelle j'entre dans ses vues pacifiques, et au désir de sauver tant de peuples innocents des malheurs et des fléaux que la guerre attire inévitablement après elle. Je suis avec les sentiments de la plus haute considération,



Madame ma sœur,

de Votre Majesté Impériale et Royale
le bon frère et cousin,
Federic.

COPIE DES PROPOSITIONS ANNEXÉES A LA LETTRE CI-DESSUS POUR UN NOUVEAU PLAN GÉNÉRAL DE CONCILIATION.

1o Sa Majesté l'Impératrice-Reine restituera à l'Électeur palatin tout ce qu'elle a occupé en Bavière et dans le Haut-Palatinat. Ce prince lui cédera en retour le district de Burghausen depuis Passau

<228>le long de l'Inn jusqu'au confluent de la Salza, et le long de la Salza jusqu'aux frontières de Salzbourg, près de Wildshut; le reste du district de Burghausen, ainsi que la rivière de l'Inn, devant rester à la maison palatine. Par ce moyen, la cour de Vienne obtiendrait sans contestation une province grande et fertile, qui arrondirait si bien l'Autriche, qui est bordée d'une belle rivière, et qui contient la forteresse de Scharding avec d'autres villes considérables. La Bavière ne serait pas coupée en deux, et la ville de Ratisbonne, ainsi que la diète, resterait libre.

2o Si la cour de Vienne avait de la répugnance à indemniser la maison palatine par quelques cessions en pays, elle pourrait le faire en quelque façon, quoique d'une manière nullement proportionnée à cette cession, en renonçant à ses féodalités, ou droits de suzeraineté, dans le Haut-Palatinat et en Saxe, et en payant un million d'écus à l'électeur de Saxe. Par ces deux derniers articles, la cour de Vienne satisferait l'électeur de Saxe sur ses prétentions allodiales, à la place de l'Électeur palatin, libérerait celui-ci de cette obligation, et indemniserait en quelque façon la maison palatine de la perte du district de Burghausen. On pourrait ajouter, pour la satisfaction de l'électeur de Saxe, la petite principauté de Mindelheim, comme un franc-alleu, et le petit district de Rothenberg, appartenant au Haut-Palatinat, mais enclavé dans le territoire de Nuremberg. Toutes les considérations d'équité, d'honneur et d'intérêt exigent que l'échange des districts occupés en Bavière, la satisfaction de la maison palatine et de celle de Saxe, en général l'arrangement de la succession de Bavière, ne soient pas renvoyés à une négociation et discussion particulière, mais qu'on règle le tout dès à présent, avec la concurrence de Sa Majesté le roi de Prusse, comme ami et allié de ces deux maisons. On pourrait leur proposer ce plan et les inviter à y accéder, dès que Leurs Majestés Impériales en seraient d'accord avec Sa Majesté le roi<229> de Prusse; et on a tout lieu d'espérer qu'elles ne s'y refuseront pas, vu la nature du plan et des circonstances.

3o Dès que la succession de Bavière serait ainsi arrangée, Sa Majesté Impériale, ainsi que l'électeur de Saxe, renonceraient à toutes prétentions ultérieures sur la Bavière et le Haut-Palatinat, et on assurerait expressément la succession de ces deux pays sans exception aux princes palatins de Deux-Ponts, après l'extinction de la ligne présente de Sulzbach.

4o Les fiefs devenus vacants à l'Empire par la mort du dernier électeur de Bavière seraient conférés à l'Électeur palatin, et après lui à la ligne de Deux-Ponts.

5o Sa Majesté l'Empereur voudra bien conférer un de ces petits fiefs aux ducs de Mecklenbourg, ou bien leur donner le privilége de non appellando dans tout leur duché, pour les indemniser de leurs prétentions sur une partie du landgraviat de Leuchtenberg.

6o Leurs Majestés l'Empereur et l'Impératrice-Reine voudront bien renoncer aux droits de féodalité, ou autres, que la couronne de Bohême pourrait avoir dans les pays d'Ansbach et Baireuth, et s'engager à ne jamais mettre aucune opposition à ce que les pays d'Ansbach et Baireuth puissent être incorporés à la primogéniture de l'électorat de Brandebourg. Si Sa Majesté le roi de Prusse et l'électeur de Saxe pouvaient convenir de faire un échange des pays d'Ansbach et Baireuth contre les margraviats de la Haute et Basse-Lusace, et de quelques autres districts selon leur convenance, Leurs Majestés Impériales et Royales n'y seraient aucunement contraires, et elles renonceraient plutôt, dans le cas existant, à tout droit de féodalité, de réversion, d'achat, ou autres droits qu'elles pourraient avoir sur la Lusace entière, ou sur quelques parties de ce pays, de sorte que Sa Majesté le roi de Prusse et ses héritiers et successeurs puissent posséder ce pays libre de toutes prétentions de la part de la maison d'Autriche.

<230>Ce plan paraît conforme à l'équité, aux circonstances, et au plus grand avantage de la maison d'Autriche. Si l'on pouvait s'accorder là-dessus, il ne serait pas difficile de le rédiger en forme d'articles préliminaires ou de traité définitif.

XVI. COPIE D'UNE TROISIÈME LETTRE DE SA MAJESTÉ L'IMPÉRATRICE-REINE.

Ce 1er d'août.



Monsieur mon frère et cousin,

Le baron Thugut allait partir pour se rendre auprès de Votre Majesté, lorsqu'il me parvint sa lettre du 28 de juillet, accompagnée d'un nouveau plan général de conciliation. Je l'avais chargé de tous ces éclaircissements qu'elle aurait pu souhaiter, et des propositions réciproques de ma part qui me paraissaient pouvoir amener un arrangement entre nous. Mais celles que Votre Majesté vient de me faire à mon grand regret, changent si fort l'état des choses, qu'il n'est pas possible que je puisse lui en dire ma pensée tout de suite. Je tâcherai de le faire le plus tôt que possible, et c'est pour l'en prévenir que je lui adresse la présente, en la priant d'être persuadée de la considération que je suis,



Monsieur mon frère et cousin,

de Votre Majesté
bonne sœur et cousine,
Marie-Thérèse.

<231>

XVII. COPIE DE LA RÉPONSE DU ROI A LA LETTRE CI-DESSUS.

Ce 5 d'août 1778.



Madame ma sœur et cousine,

Je viens de recevoir la lettre que Votre Majesté Impériale et Royale a eu la bonté de m'écrire. Je sens, madame, que des choses de cette importance demandent une mûre délibération. J'attendrai donc avec patience les résolutions que Votre Majesté Impériale et Royale aura prises, et qu'elle daignera me communiquer par M. de Thugut, en l'assurant des sentiments de la plus haute considération avec lesquels je suis à jamais,



Madame ma sœur et cousine,

de Votre Majesté Impériale et Royale
le bon frère et cousin,
Federic.

<232>

XVIII. COPIE D'UNE QUATRIÈME LETTRE DE SA MAJESTÉ L'IMPÉRATRICE-REINE.

Ce 6 d'août.



Monsieur mon frère et cousin,

J'ai annoncé à Votre Majesté, par ma lettre du 1er, que je lui ferais tenir le plus tôt que possible ma pensée sur la proposition d'un nouveau plan général de conciliation. En conséquence, Thugut est chargé de lui faire une contre-proposition de ma part, pour terminer les malheurs d'une guerre cruelle et destructive tout d'un coup. Je me rapporte à ce que Thugut lui exposera, et je suis avec toute la considération,



Monsieur mon frère et cousin,

de Votre Majesté
bonne sœur et cousine,
Marie-Thérèse.

COPIE DE LA CONTRE-PROPOSITION DONT IL EST QUESTION DANS LA LETTRE CI-DESSUS.

L'Impératrice-Reine n'étant pas animée de vues d'agrandissement, et ne désirant principalement que le maintien de sa dignité, de sa considération politique et de l'équilibre en Allemagne, Sa susdite Majesté déclare qu'elle est disposée et déterminée à restituer tout ce qu'elle a fait occuper par ses troupes en Bavière et dans le Haut-Palatinat, et à délier l'Électeur palatin des engagements qu'il a pris avec elle par la convention du 3 de janvier, sous la condition sine qua non

<233>qu'il plaise à Sa Majesté Prussienne de s'engager en due forme, pour elle et ses successeurs, de ne pas réunir les deux margraviats de Baireuth et d'Ansbach à la primogéniture de sa maison, aussi longtemps qu'il y existera des princes puînés, ainsi qu'il est statué dans la sanction pragmatique établie dans la maison de Brandebourg, et qui, étant confirmée par les Empereurs et l'Empire, a obtenu force de loi publique. Comme au moyen d'un tel arrangement toute la succession de Bavière serait remise dans son état primitif, la discussion et le jugement des prétentions des autres parties intéressées à ladite succession seraient renvoyés aux voies ordinaires de justice prescrites par les lois et la constitution de l'Empire, conformément à ce que Sa Majesté Prussienne, dès le commencement, avait proposé elle-même.

XIX. COPIE DE LA RÉPONSE DU ROI A LA LETTRE CI-DESSUS.

Ce 10 d'août 1778.



Madame ma sœur et cousine,

Monsieur Thugut m'a rendu la lettre que Votre Majesté Impériale et Royale a eu la bonté de m'écrire. Il m'a décliné les propositions dont il était chargé, et comme elles n'étaient pas conciliantes, il remarqua l'éloignement que je témoignais pour les accepter. Il me dit qu'il y avait peut-être des moyens qui restaient encore pour pacifier les troubles de l'Allemagne, et qu'il avait été chargé par Votre Majesté Impériale et Royale d'en faire les ouvertures; sur quoi je lui ai proposé de s'aboucher avec mes ministres, pour essayer si cette dernière<234> tentative réussira mieux que les précédentes. Votre Majesté Impériale et Royale me rendra au moins le témoignage que si cette œuvre salutaire ne parvient pas à une heureuse fin, ce ne sera pas ma faute. Je suis avec la plus haute considération,



Madame ma sœur et cousine,

de Votre Majesté Impériale et Royale
le bon frère et cousin,
Federic.


208-a L'autographe porte timariots.

221-a L'empereur Joseph, son frère Léopold, grand-duc de Toscane, et le duc Albert de Teschen. époux de l'archiduchesse Marie-Christine.