<107> muni de la sanction nationale où l'on trouve un choix de mots et de phrases qui constitue la pureté du langage. Ce qu'on écrit en Souabe n'est pas intelligible à Hambourg, et le style d'Autriche paraît obscur en Saxe. Il est donc physiquement impossible qu'un auteur, doué du plus beau génie, puisse supérieurement bien manier cette langue brute. Si l'on exige qu'un Phidias fasse une Vénus de Gnide, qu'on lui donne un bloc de marbre sans défaut, des ciseaux fins et de bons poinçons; alors il pourra réussir : point d'instrument, point d'artiste. On m'objectera peut-être que les républiques grecques avaient jadis des idiomes aussi différents que les nôtres; on ajoutera que de nos jours même on distingue la patrie des Italiens par le style et la prononciation, qui varient de contrée en contrée. Je ne révoque pas ces vérités en doute; mais que cela ne nous empêche pas de suivre la continuation des faits dans l'ancienne Grèce, ainsi que dans l'Italie moderne. Les poëtes, les orateurs, les historiens célèbres fixèrent leur langue par leurs écrits. Le public, par une convention tacite, adopta les tours, les phrases, les métaphores que les grands artistes avaient employés dans leurs ouvrages; ces expressions devinrent communes, elles rendirent ces langues élégantes, elles les enrichirent, en les ennoblissant.

Jetons à présent un coup d'œil sur notre patrie. J'entends parler un jargon dépourvu d'agrément, que chacun manie selon son caprice, des termes employés sans choix, les mots propres et les plus expressifs négligés, et le sens des choses noyé dans des mers épisodiques. Je fais des recherches pour déterrer nos Homères, nos Virgiles, nos Anacréons, nos Horaces, nos Démosthènes, nos Cicérons, nos Thucydides, nos Tites-Lives; je ne trouve rien, mes peines sont perdues. Soyons donc sincères, et confessons de bonne foi que jusqu'ici les belles-lettres n'ont pas prospéré dans notre sol. L'Allemagne a eu des philosophes qui soutiennent la comparaison avec les anciens, qui même les ont surpassés dans plus d'un genre; je me réserve d'en