<135> plus d'assiduité et de soin, et à ne les donner au jour qu'après les avoir bien limés et repolis.

La marche que j'indique n'est point née de mon imagination; c'est celle de tous les peuples qui se sont policés; il n'y en a pas d'autre. Plus le goût des lettres gagnera, plus il y aura de distinction et de fortune à attendre pour ceux qui les cultivent supérieurement, plus l'exemple de ceux-là en animera d'autres. L'Allemagne produit des hommes à recherches laborieuses, des philosophes, des génies, et tout ce que l'on peut désirer; il ne faut qu'un Prométhée qui dérobe du feu céleste pour les animer.

Le sol qui a produit le fameux Des Vignes, chancelier du malheureux empereur Frédéric II; celui où sont nés ceux qui écrivirent les Lettres des hommes obscurs, bien supérieurs à leur siècle, eux qui sont les modèles de Rabelais; le sol qui a produit le fameux Érasme, dont l'Éloge de la folie petille d'esprit, et qui vaudrait encore mieux si l'on en retranchait quelques platitudes monacales qui se ressentent du mauvais goût du temps; le pays qui a vu naître un Mélanchthon, aussi sage qu'érudit; le sol, dis-je, qui a produit ces grands hommes, n'est point épuisé, et en ferait éclore bien d'autres. Que de grands hommes n'ajouterais-je pas à ceux-ci! Je compte hardiment au nombre des nôtres Copernic, qui, par ses calculs, rectifia le système planétaire, et prouva ce que Ptolémée a osé avancer quelques milliers d'années avant lui; tandis qu'un moine d'un autre côté de l'Allemagne découvrit, par ses opérations chimiques, les étonnants effets de l'explosion de la poudre; qu'un autre inventa l'imprimerie, art heureux qui perpétue les bons livres, et met le public en état d'acquérir des connaissances à peu de frais; un Othon Guericke, esprit inventif auquel nous devons la pompe pneumatique. Je n'oublierai certainement pas le célèbre Leibniz, qui a rempli l'Europe de son nom; si même son imagination l'a entraîné dans quelques visions systématiques, il faut toutefois avouer que ses écarts sont ceux d'un grand