<68> d'exciter si supérieurement, entraînent l'auditeur, qui, agité de passions aussi fortes, oublie de petits défauts en faveur d'aussi grandes beautés. On conviendra donc que M. Racine a l'avantage d'avoir quelque chose de plus naturel, de plus vraisemblable dans la texture de ses drames, et qu'il règne une élégance continue, une mollesse, un fluide dans sa versification, dont aucun poëte n'a pu approcher depuis. D'autre part, en exceptant quelques vers trop épiques dans les pièces de M. de Voltaire, il faut convenir qu'au cinquième acte près de Catilina, il a possédé l'art d'accroître l'intérêt de scène en scène, d'acte en d'acte, et de le pousser au plus haut point à la catastrophe : c'est bien là le comble de l'art.

Son génie universel embrassait tous les genres. Après s'être essayé contre Virgile, et l'avoir peut-être surpassé, il voulait se mesurer avec l'Arioste; il composa la Pucelle dans le goût du Roland furieux : ce poëme n'est point une imitation de l'autre; la fable, le merveilleux, les épisodes, tout y est original, tout y respire la gaieté d'une imagination brillante.

Ses vers de société faisaient les délices de toutes les personnes de goût; l'auteur seul n'en tenait aucun compte, quoique Anacréon, Horace, Ovide, Tibulle, ni tous les auteurs de la belle antiquité, ne nous aient laissé aucun modèle en ces genres qu'il n'eût égalé. Son esprit enfantait ces ouvrages sans peine; cela ne le satisfaisait pas; il croyait que pour posséder une réputation bien méritée, il fallait l'acquérir en vainquant les plus grands obstacles.

Après vous avoir fait un précis des talents du poëte, passons à ceux de l'historien. L'Histoire de Charles XII fut la première qu'il composa; il devint le Quinte-Curce de cet Alexandre : les fleurs qu'il répand sur sa matière, n'altèrent point le fond de la vérité; il peint la valeur brillante du héros du Nord avec les plus vives couleurs, sa fermeté dans de certaines occasions, son obstination en d'autres, sa prospérité, et ses malheurs. Après avoir éprouvé ses forces sur