<7> ce grand nombre d'amis qui donnèrent à sa perte de véritables regrets.

De retour à Berlin, il rentra dans son cabinet, où l'excitait à l'étude cette noble émulation qui porte les esprits bien faits à se perfectionner davantage. Il lisait tout, et ne perdait rien de ce qu'il avait lu. Sa mémoire était si vaste, qu'elle était comme un répertoire de tous les livres, de toutes les variantes, de toutes les éditions, et des anecdotes les plus curieuses en ce genre.

L'esprit, le mérite, et surtout le bon caractère de M. Jordan, ne lui permirent point de rester enseveli plus longtemps dans son cabinet. Monseigneur le Prince royal, à présent le Roi, l'appela à son service au mois de septembre 1736. Depuis ce temps, il passa sa vie à Rheinsberg, partagé entre l'étude et la société, estimé et aimé universellement, et unissant cette politesse que donne l'usage du beau monde, à la profondeur de ses connaissances. Il déridait les sciences, et les produisait à la cour sous les livrées des agréments et de la galanterie.

Après la mort de Frédéric-Guillaume, le Roi le plaça dans une situation où il pût tourner au profit de la patrie les talents de son esprit et les vertus de son cœur. Il fut revêtu du caractère de conseiller privé. Il employa toute la sagacité de son esprit à l'utilité de l'État. C'est à lui que Berlin est redevable des nouveaux règlements de policea qui y ont introduit le bel ordre que nous y voyons régner. Toutes les rues furent débarrassées de cette espèce lâche et abjecte de fainéants dont l'apparence abuse de la charité des citoyens. Une maison de travail s'éleva par ses soins, dans laquelle mille personnes qui vivaient à la charge des particuliers, se nourrissent à présent de leur industrie, et emploient leurs facultés au bien public. La ville fut partagée en quartiers, dans chacun desquels des personnes furent


a Instruction für die Commissaires de quartier in denen Königlichen Residenzien, du 20 février 1742. Voyez (Mylius) Corp. Const. March. Contin. II, p. 51, no VI.