<187> veulent le mal, il ne dépend que d'eux de l'exécuter. Et quelle situation déplorable que celle des peuples, lorsqu'ils doivent tout craindre de l'abus du pouvoir souverain, lorsque leurs biens sont en proie à l'avarice de leur prince, leur liberté à ses caprices, leur repos à son ambition, leur sûreté à sa perfidie, et leur vie à ses cruautés! C'est là le tableau d'un empire où régnerait un monstre politique tel que Machiavel prétend le former.

Mais quand même le venin de l'auteur ne se glisserait pas jusqu'au trône, je soutiens qu'un seul disciple de Machiavel et de César Borgia suffirait pour faire abhorrer un livre aussi abominable. Il y a eu des personnes du sentiment que Machiavel écrivait plutôt ce que les princes font que ce qu'ils doivent faire. Cette pensée a plu à cause qu'elle a quelque apparence de vérité; on s'est contenté d'une fausseté brillante, et on l'a répétée, puisqu'on l'avait dite une fois.

Qu'on me permette de prendre la cause des princes contre ceux qui veulent les calomnier, et que je sauve de l'accusation la plus affreuse ceux dont l'unique emploi doit être de travailler au bonheur des hommes.

Ceux qui ont prononcé cet arrêt contre les princes ont été séduits sans doute par les exemples de quelques mauvais princes que cite Machiavel, par l'histoire des petits princes d'Italie, ses contemporains, et par la vie de quelques tyrans qui ont pratiqué ces dangereux préceptes de politique. Je réponds à cela qu'en tout pays il y a d'honnêtes et de malhonnêtes gens,