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JOACHIM II.

Il paraît qu'on revint, du temps de Joachim II, de l'abus de donner des surnoms aux princes; celui de son père avait si mal réussi, qu'il était devenu plutôt un sobriquet qu'une illustration. La flatterie des courtisans, qui avait épuisé les comparaisons de l'antiquité, se retourna sans doute d'un autre côté; et il faut croire que l'amour-propre des princes n'y perdit rien.

Joachim II hérita l'Électorat de son père, comme nous venons de le dire. Il embrassa la doctrine de Luther en 1539. On ne sait pas les circonstances qui donnèrent lieu à ce changement; ce qu'il y a de certain, c'est que ses courtisans et l'évêque de Brandebourg suivirent son exemple.

Une nouvelle religion qui paraît tout à coup dans le monde, qui divise l'Europe, qui change l'ordre des possessions et donne lieu à de nouvelles combinaisons politiques, mérite que nous donnions quelque attention à ses progrès, et surtout que nous examinions par quelle vertu elle produisait les conversions soudaines des plus grands États.

Dès l'année 1400, Jean Huss commença à prêcher sa nouvelle doctrine en Bohême : c'était proprement les sentiments des Vaudois et de Wiclef, auxquels il adhérait. Huss fut brûlé au concile de Constance.4 Son prétendu martyre augmenta le zèle de ses disciples. Les Bohémiens, qui étaient trop grossiers pour entrer dans les disputes sophistiques des théologiens, n'embrassèrent cette nouvelle secte que par un esprit d'indépendance et de mutinerie qui est assez le caractère de cette nation. Ces nouveaux convertis secouèrent le joug du pape, et se servirent des libertés de leurs consciences pour couvrir le crime de leur révolte. Tant


4 L'an 1415, sous le pape Jean XXIII.