<147>apprendre à dire, Je vous aime, de cent façons différentes. Mon zèle pour la bonne comédie va si loin, que j'aimerais mieux y être joué que de donner mes suffrages à ce monstre bâtard et flasque que le mauvais goût du siècle a mis au monde. Depuis Nanine je n'entends plus parler de vous; donnez donc au moins signe de vie.

Votre muse est-elle engourdie?
L'hiver a-t-il pu la glacer?
Le beau feu de votre génie
Ne saurait-il plus s'élancer?
Ah! c'est un feu que Prométhée
Sut dérober aux dieux jaloux;
De cette flamme respectée
Ne parlons jamais qu'à genoux.
Chez vous elle ne peut s'éteindre,
Mais pour que je n'ose m'en plaindre,
J'exige quelques vers de vous.

C'est un défi dans toutes les formes; vous passerez pour un lâche, si vous n'y répondez. L'esprit ni les vers ne vous coûtent rien; n'imitez donc pas les Hollandais, qui, ayant seuls des clous de girofle, n'en vendent que par faveur. Horace, votre devancier, envoyait des épîtres à Mécène autant qu'il en voulait. Virgile, votre aïeul, ne faisait pas des poëmes épiques pour tout le monde, mais bien des églogues. Mais vous, dans l'opulence de l'esprit, et possédant tous les trésors de l'imagination la plus brillante, vous êtes le plus grand avare d'esprit que je connaisse. Faut-il être aussi difficile pour quelques vers de votre superflu qu'on vous demande? Ne me fâchez pas : mon impatience me pourrait tenir lieu d'Apollon, et peut-être ferais-je une satire sur les avares d'esprit. Mais si je reçois une lettre bien jolie, comme vous en laites souvent, j'oublierai mes sujets de plainte, et je vous aimerai bien. Adieu.