<100>- Comment la garantir? - Je marche, avance, et choque.
- Cela pourrait manquer. - Vous êtes trop craintif;
Trois rangs ne peuvent rien contre un corps si massif.
Si l'on m'écoute, il faut que Monteynardb ordonne
Que toujours le Français vous attaque en colonne.
- Ah! vous aurez le temps de mûrir vos projets :
Nous jouissons ici d'une profonde paix;
Du temple de Janus les portes sont fermées,
Les arts sont florissants à l'abri des armées,
L'envie est enchaînée, et les grands potentats
Font dans ce calme heureux prospérer leurs États.
- Cela vous plaît à dire, a répondu mon homme;
De l'Espagne en Écosse, et du Pont jusqu'à Rome,
Des esprits agités la fermentation
Va mettre incessamment l'Europe en action.
Pouvez-vous supposer que de sang-froid on souffre
Qu'un royaume en trois parts par trois voisins s'engouffre,
Qu'on s'arroge des droits, que trois princes d'accord
N'aient pas même imploré les arbitres du sort?
- Qui sont-ils, s'il vous plaît? - La France et l'Angleterre.
Vous les verrez bientôt, portant partout la guerre,
Corriger et punir des écoliers mutins
Qui, jouant les grands rois, ne sont que des gredins.
- Ah! pour la Prusse au moins nous vous demandons grâce.
- Peine perdue; il faut que justice se fasse.
Que diraient Richelieu, Philippe deux, Cromwell,
Grands hommes qu'illustra l'art de Machiavel,
Si dans nos jours déçus, de lâches politiques
Craignaient de s'égarer sur leurs pas héroïques?
On connaîtra dans peu la France et d'Aiguillon;a
Le Sarmate a chez eux sonné le réveillon.
Vous allez voir du Nord la fierté confondue,


b Le marquis Louis-François de Monteynard, ministre de la guerre en France du 4 janvier 1771 au 28 janvier 1774.

a Le duc d'Aiguillon était ministre des affaires étrangères. Voyez t. VI, p. 34, 35 et 128.