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ÉPITRE AU COMTE DE HODITZ, SUR SA MAUVAISE HUMEUR DE CE QU'IL A SOIXANTE-DIX ANS.a

Je vous ai vu, cher comte, accablé de tristesse;
Vous voulez secouer le joug de la vieillesse,
Vous voulez être tel que vous l'avez été.
Mais on regrette en vain la vigueur, la santé;
Ce temps ne revient plus, il s'écoule, il s'envole;
L'amour-propre en gémit, le sage s'en console.
Dix lustres surchargés de vingt hivers complets
Rangeraient Mars lui-même au rang des ...;
Hercule à septante ans ne serait plus Hercule,
Sa massue ornerait le bras de son émule.
Rien n'est stable, et le temps absorbe et détruit tout;
Vous vivez cependant, et vous êtes debout.
Combien peu de mortels ont atteint à votre âge!
Vous en avez joui, que faut-il davantage?
Remerciez plutôt le ciel de ses bienfaits.


a Cette Épître fut composée à Neisse, comme le comte de Hoditz, qui y était venu faire sa cour au Roi, se préparait à retourner à Rosswalde. Frédéric la lui adressa vraisemblablement le 23 août 1774, avec la lettre où il lui donnait la permission de partir. Voyez la correspondance de Frédéric avec le comte Hoditz, inédite jusqu'ici, et qui sera publiée dans un des volumes suivants. Voyez aussi la lettre de Frédéric à Voltaire, du 13 ou du 19 septembre 1774.