<139>Mes accents ne sont plus ceux d'un mortel profane,
C'est Apollon lui-même, animant mon organe,
Qui parle par ma voix;
Des destins éternels la volonté secrète
Se dévoile à mes yeux, je deviens l'interprète
De leurs augustes lois.

O Prussiens! c'est à vous que l'oracle s'adresse,
Vous, que l'acharnement d'un sort barbare oppresse
Sous cent calamités :
Sachez qu'aucun État dans sa gloire naissante
N'éprouva sans revers la course triomphante
De ses prospérités.

Rome parut souvent au bord du précipice,
Sans que pour son secours l'appui d'un dieu propice
Détournât son affront;
Les sénateurs en deuil pleuraient la république
Quand Annibal, vainqueur, de ses guerriers d'Afrique
Eut écrasé Varron.

Au sein de ses dangers s'accrut son espérance;
Elle maintint ses murs plutôt par sa constance
Que par ses légions.
Prêt à récompenser ce sublime courage,
Mars nomma pour vengeur d'un si cruel outrage
L'aîné des Scipions.

Du Tibre désolé le démon de la guerre
Porte, en passant les mers, sur la coupable terre
Le carnage et l'horreur;
Dans les champs africains l'ennemi prend la fuite,
Rome fut délivrée, et Carthage réduite
Sous son nouveau vainqueur.