<166>Auxquels la folle erreur avait sacrifié,
On ne trouve, à Memphis, dans Athènes, dans Rome,
Aucun culte à l'honneur du dieu de l'amitié,
Seul être, s'il en fut, qui méritât des temples;
Tant le peuple ignorant, facile à s'égarer,
Confond ce qu'il doit craindre ou qu'il doit adorer.
Mais l'univers alors manquait de grands exemples;
Le fidèle Euryale expirant pour Nisus,
Thésée aux bords du Styx suivant Pirithoüs,
Ces beaux noms, ces héros, leurs fastes respectables,
Ne subsistaient que dans les fables.
Pour donner du lustre aux vertus,
Il faut des faits plus véritables
Et des exemples plus connus.
Vous, ma divine sœur, que j'honore et révère,
Dont mon orgueil séduit se vante d'être frère,
Si Delphes, si Colchos, dans leurs temps fortunés,
Avaient trouvé chez eux une vertu si rare,
Les temples, les saints lieux, de festons couronnés,
Les peuples empressés, à vos pieds prosternés,
La génisse expirant sous un glaive barbare,
Vous eussent confirmé l'hommage des mortels;
Et bientôt leur reconnaissance,
Des dons de l'amitié connaissant l'excellence,
Vous aurait sous son nom dédié des autels.
Qui sentit mieux que moi sa bénigne influence?
Dans mes jours fortunés ou dans ma décadence
Vous goûtiez mon bonheur, vous pleuriez mes revers.
Quoi! pourrais-je oublier cette amitié constante,
Sensible, secourable, et toujours agissante,
Qui me récompensait des maux que j'ai soufferts?
O vous, mon seul refuge! ô mon port, mon asile!
Votre voix étouffait ma douleur indocile,
Et, fort de vos vertus, je bravais l'univers.
A combien de dangers votre âme généreuse
S'exposa pour me secourir,
Moi, qui préférais de périr