<2>Qui, dévoilant les lois de la fatalité,
Aggrave encor mes maux par leur nécessité!
Offusqué des vapeurs de la misanthropie,
Las de perdre en détail les restes de ma vie,
Au point de renoncer à l'espoir du bonheur,
L'amour-propre aussitôt s'empare de mon cœur;
De ce flatteur adroit le discours me console.
Apaise, me dit-il, ce murmure frivole,
Écart séditieux de tes sens révoltés;
Tu perdis moins de biens qu'il ne t'en est resté.
Le printemps de tes jours fait place à leur automne,
Flore, en fuyant tes pas, te confie à Pomone;
Tu promettais jadis, à présent tu produis,
Et, dépouillé de fleurs, tu dois porter des fruits.
Dans ta maturité la raison te décore,
Ton goût, ton jugement vient à peine d'éclore;
Ce fil guida jadis Aristide et Platon,
Trajan, les Antonins, Titus et Scipion.
Que la raison t'éclaire en cet affreux dédale
Où l'intérêt, l'orgueil, l'envie et la cabale
S'empressent d'égarer tes pas mal assurés;
Elle sauva tes jours de périls entourés.
Ta jeunesse a bien pu jeter des étincelles;
Compare leur éclat, leurs beautés peu réelles
A la sagesse enfin, à ce don précieux
Dont Minerve elle-même a fait trophée aux cieux.
J'entendais son discours en répandant des larmes.
Amour, me faudra-t-il renoncer à tes charmes?
Disais-je; et faut-il donc qu'insensible à jamais,
Mes organes usés rejettent tes bienfaits?
Mais cent plaisirs nouveaux s'offrent à ma pensée,
Plus vrais, plus assortis à ma course avancée.
Plions, puisqu'il le faut, sous les lois du destin,
Du couchant d'un jour sombre embellissons la fin;
Près de frapper au but d'une pénible course,
Cherchons pour nos désirs encor quelque ressource;
Couronnons-nous des fleurs du tendre Anacréon.