<35>Je le sens trop, et je connais
L'anéantissement où plonge la souffrance;
Je ne blâme donc point vos vertueux regrets.
Pensez, ma sœur, pensez, en répandant des larmes,
Que l'objet de vos pleurs, ombragé de cyprès,
N'a rien à redouter des terreurs, des alarmes;
Rien ne peut altérer sa paix.
Si j'avais le secret de ranimer sa cendre,
Si son âme pouvait vous voir et vous entendre,
Ah! ma sœur, elle vous dirait :
« Princesse, modérez une douleur si tendre
Pour un fantôme, hélas! qui fuit et disparaît.
Cette douleur un jour peut vous être cruelle,
Un corps débile et faible a tout à craindre d'elle,
Par le chagrin rongeur la santé se tarit;
Si vous en éprouvez l'atteinte la plus frêle,
C'est une blessure mortelle
Pour un frère qui vous chérit. »
A peine, ma sœur, je respire;
Veuille le ciel pour vous exaucer mes souhaits!
Les morts ont le droit de tout dire,
Moi, je vous respecte et me tais.

A Potsdam et à la Vigne,a ce 13 avril 1770.


a Voyez t. X, p. v, Avertissement de l'Éditeur.