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LE TEMPLE DE L'AMOUR.

SCÈNE I.

L'AMOUR, qui dort; puis VÉNUS.

VÉNUS.

Que vois-je? l'Amour dort, les Plaisirs sont engourdis dans l'assoupissement! Ah! que va devenir ma puissance? Si mon fils dort, c'en est fait de mon empire, que dis-je? c'en est fait de l'univers. Sans l'Amour, tout périra. Opposons-nous à ce désastre; il faut réveiller l'Amour; il faut le tirer de cette lâche oisiveté qui le plongea entre les bras de Morphée. Allons le réveiller. (Elle caresse le visage de l'Amour avec un bouquet de roses; l'Amour s'éveille en sursaut.)

L'AMOUR.

Pourquoi m'éveillez-vous, ma mère? Pourquoi dissipez-vous les rêves heureux dont l'illusion me donnait de vrais plaisirs? Que ne restez-vous dans le ciel, où vous régnez par votre beauté et par vos charmes?

VÉNUS.

N'est-ce pas à la déesse de la beauté à réveiller l'Amour? Pendant que tu reposes, mon fils, les sombres passions des hommes usurpent ton empire; l'ambition, la fureur, l'envie, l'intérêt se partagent le monde. C'en est fait de l'espèce humaine, si tu ne reprends ta puissance; tout languit sans amour. Abandonne ton indolence, et va ranimer la nature.

L'AMOUR.

Du sein des voluptés je gouverne le monde; le sommeil ne diminue point mon empire. Je n'ai pas toujours dormi. Mes flèches