<25>Le digne Voltaire est en droit de les mépriser; son repos est trop précieux pour être troublé par des bagatelles semblables. Qu'il suive le conseil que le Mercureb de Lucien donnait à Jupiter, qui pensait devenir mélancolique des discours impertinents que tenaient les Athéniens sur son sujet. « Contentez-vous, lui disait Mercure, de gouverner le monde, et laissez-les parler. » Que M. de Voltaire se contente d'instruire, de gouverner le monde savant, et qu'il méprise des choses qui lui sont aussi inférieures que le Lycée l'était à l'Olympe. Je regrette beaucoup que, vous sachant plus dans notre voisinage que par le passé, je ne puisse pas contenter le désir que j'ai, madame, de vous admirer et de vous donner en personne des marques de mon estime. Mon étoile ne m'a jamais été trop propice, et je commence à m'accoutumer à ses perfidies. Je lui pardonnerais volontiers toutes les autres infidélités qu'elle m'a faites : mais le tour qu'elle me joue aujourd'hui est des plus sanglants. Pour l'en punir, je prierai quelque astronome de l'exiler au fond des cieux, à quelques millions de lieues plus loin du soleil. La punition serait grande, mais elle n'égalerait pourtant point ce que mérite sa noirceur.

Mais quittons les figures. Vous remarquez vous-même, je m'en assure, qu'on fait une grande perte quand on manque l'occasion de vous voir. J'en fais la triste expérience, et il semble que le sort me prépare le destin de Tantale; il vous expose, pour ainsi dire, à ma vue, pour augmenter mes désirs et ma curiosité, et en même temps il me met dans l'impossibilité de me satisfaire. Je ne pourrais faire un meilleur usage de mon crédit et de mes amis qu'en les employant pour vous. Ma volonté sera toujours la même, et il ne dépendra que de l'occasion de la réaliser. Je suis, etc.


b C'est Momus qui donne ce conseil à Jupiter, dans le Jupiter Tragoedus de Lucien, chap. XLV.