<32>et aussi frivoles que je les avais laissés. Pour la cour, il s'y est fait de grandes révolutions, et il me semble qu'elle est à présent ce qu'elle doit être. Je quitte tout cela, non sans quelques regrets, pour des procès. J'espère que V. A. R. adoucira mon séjour de Bruxelles par les marques de son souvenir; elle n'en peut honorer personne qui en sente mieux le prix, et qui soit avec plus de dévouement que moi, etc.

15. A LA MARQUISE DU CHATELET.

Remusberg, 27 octobre 1739.



Madame,

J'étais vis-à-vis de Machiavel, lorsque j'eus le plaisir de recevoir votre lettre et la traduction italienne de la Henriade. Je me suis vu infiniment encouragé par les suffrages que vous donnez à la préface de la Henriade. Ce sont la vérité et la persuasion qui se sont exprimées par ma plume. Cet ouvrage se loue de lui-même, et je n'ai d'autre mérite que celui d'avoir arrangé les phrases. M. de Voltaire n'a pas besoin de panégyriste pour être estimé et goûté de l'Europe; aussi n'est-ce que d'un faible roseau que j'ai voulu étayer l'édifice de sa réputation.

Vous me demandez des nouvelles de Machiavel. Je compte de l'achever dans quinze jours. Je ne voudrais point présenter un ouvrage informe et mal digéré aux yeux du public. J'écris beaucoup, et j'efface davantage. Ce n'est encore qu'une masse d'argile grossière, à laquelle il faut donner la façon et le tour convenable; cependant je vous envoie l'Avant-propos, pour vous faire juger dans quel esprit cet ouvrage est composé. Il y a des matières sérieuses où il a fallu des réfutations solides; mais il y en a d'autres où j'ai cru qu'il était permis d'égayer le lecteur. Je ne sais rien de pire que l'ennui, et je crois que l'on instruit toujours mal le lecteur lorsqu'on le fait bâiller. Peut-être y a-t-il