<101>telle Petite-Maison qu'il vous plaira. Adieu, cher marquis; je vous embrasse.

86. AU MÊME.

Au delà Meissen (Krögis), ce 15 (novembre 1759).

Hier j'ai joint l'armée, et Daun est décampé. Je l'ai suivi jusqu'ici, et je continuerai jusqu'aux frontières de la Bohême. Nos dimensions sont prises de façon qu'il ne pourra sortir de la Saxe qu'après avoir fait des pertes considérables. La journée d'hier lui a coûté cinq cents hommes pris à Meissen. Chaque mouvement qu'il fera lui en coûtera autant, et sûrement la fin de la campagne ne lui sera ni glorieuse ni honorable.

Je vous envoie mon Charles XII,a que j'ai fait copier. Je vous prie de le faire imprimer à Berlin, dans mon imprimerie, de faire bien corriger les épreuves, pour que cela soit exact, bien ponctué et conforme en tout à l'original. Je n'en veux que vingt exemplaires, dont je vous en offre un, et vous prie de m'envoyer les autres dès que l'impression en sera achevée. Cet ouvrage est un tissu d'observations et de réflexions que je crois impartiales, vraies et justes. J'ai fort pressé le tout pour ne pas devenir ennuyeux, et j'ai réduit ce qui pourrait être la matière d'un volume dans une quintessence qui suffit aux gens du métier, et qui n'est pas assez diffuse pour ennuyer des ignorants. Mais tout ce que je puis dire de mon ouvrage ne vaudra pas le jugement que vous en porterez. Votre suffrage me tiendra lieu de ceux des contemporains et de la postérité. Je me flatte que vous digérez bien, que la fièvre, les crampes et les ébullitions de sang sont parties, et que je pourrai bientôt vous assurer à Dresde de l'amitié que j'ai pour vous, mon cher marquis.


a Réflexions sur les talents militaires et sur le caractère de Charles XII, roi de Suède. Voyez t. VII, p. IV et V, et p. 79-101.