<159>plus souvent des balivernes et tout ce qu'il vous plaira. Il me faut de vos lettres. Je les reçois avec plaisir, je les lis de même, et cela vous coûte si peu, que vous pouvez bien me donner cette satisfaction-là. J'ai aujourd'hui un jour couleur de rose; cela m'arrive rarement d'en avoir de pareils. Vous avez reçu de moi nombre de lettres qui étaient écrites des jours très-noirs. Adieu, mon cher marquis; je vous embrasse, et vous souhaite vie et contentement.

126. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin, 4 mai 1760.



Sire,

La lettre que Votre Majesté m'a fait la grâce de m'écrire a produit dans mon cœur la plus sensible joie, et j'attends ce moment heureux dont vous me parlez avec la plus grande impatience. J'ai toujours été persuadé que vous viendrez à la fin au point de détruire tous les projets de vos ennemis; et, dans les temps qui paraissaient les plus nébuleux, je n'ai jamais douté qu'un beau jour ne dissipât toutes les ombres, et ne rendît à la Prusse et au Brandebourg cette gloire et cette tranquillité dont elle a toujours joui sous votre règne avant cette guerre suscitée par la mauvaise loi et continuée par la folie et l'aveuglement, car comment peut-on nommer autrement l'opiniâtreté insensée des Français? Quoique la folie des convulsions de saint Paris redevienne à la mode à Paris,a ce n'est pas dans cette ville que sont les plus grands fous du royaume; c'est à Versailles, c'est dans le conseil de cette cour qu'il faut les chercher. Quel plaisir de voir un jour de pareils extravagants mortifiés autant qu'ils le méritent! Je ne sais lequel des deux me causera plus de satisfaction, ou de voir la folie française corrigée, ou l'orgueil autrichien réprimé, car Dieu lui-même ne pourrait pas le détruire; il ne peut changer


a Voyez t. I. p. 241.