<162>Ou, pour mieux dire, je devine
Le train de vos jours usité;
Et je vous vois dans votre chambre.
Où n'entra jamais odeur d'ambre.
Dans la flanelle empaqueté,
De pelisses emmaillotté,
Les pieds sur votre chaufferette.
Le bonnet de nuit sur les yeux,
Disserter avec le prophète
Sur le destin que vous apprête
La sombre volonté des dieux.
Moi, dont l'âme matérielle
N'a pas le don de s'exalter,
Je puis, sans vouloir empiéter
Sur votre diseur de nouvelle,
Vous en renouveler aujourd'hui
Tant et peut-être plus que lui.
Je les tire de ce grimoire
Que me donna le vieux Dessau
A l'œil fier, à moustache noire,
Magicien dès le berceau.
Voici ce que dit ce bon livre
Sur l'histoire de l'avenir;
Pour le goûter sans le honnir,
Il faut que le lecteur s'enivre.
Si vous voulez donc le poursuivre.
Daignez vous en ressouvenir.
« Dès que l'ardente canicule
Aura porté dans les cerveaux
Des guerriers, princes et héros
Ce feu transperçant qui les brûle,
Alors sur les traces d'Hercule
Ils s'empresseront à grands flots,
De Prusse, d'Autriche et Russie,
Pleins de la même frénésie.
Notez que d'iceux les plus sots
Aux autres tourneront le dos,
Et seront sans cérémonie
Vilipendés par leurs rivaux. »
Si cependant je dois tout dire
Ce qui se passe dans mon cœur,
Tandis qu'en ce moment flatteur
Avec vous je m'efforce à rire,