<20>marquis d'Argens, à l'hôtel de Strasbourg, rue du Sépulcre, faubourg Saint-Germain, à Paris.

Je n'ai point encore été à la comédie italienne, ni à la française, mais j'ai vu déjà deux fois l'Opéra, ayant la loge du duc de Duras, autrefois duc de Durfort, dont j'ai la clef; cela m'évite une dépense considérable. V. M. voit que les anciennes connaissances servent toujours, et que l'office que je chantai à Philippsbourg, chez le duc de Richelieu,a m'est encore utile aujourd'hui. J'ai trouvé l'Opéra très-faible, eu égard à ce que je l'avais vu. Toutes les chanteuses sont médiocres. La Le Mauve et la Pélissier n'y sont plus; les danseurs, excepté Dupré, qui vieillit cependant, sont mauvais. J'ai déjà parlé à V. M. des danseuses. Il y a une haute-contre, c'est ce que les Italiens appellent un contralto, qui est la plus belle voix que j'aie ouïe de mes jours. Ce musicien s'appelle Gelio. On joue un opéra de Rameau qui m'a paru au-dessous du médiocre; ce n'est ni de la musique française, ni de la musique italienne.

Il ne paraît ici aucun livre nouveau que quelques misérables brochures de politique, où il n'y a pas le sens commun. Voltaire a fait une Épître sur la bataille donnée en dernier lieu auprès de Mastricht; elle est imprimée, mais il la désavoue, et prétend ne l'avoir point faite ainsi qu'elle paraît. Je ne l'envoie point à V. M., parce que je ne doute point qu'elle ne l'ait déjà reçue par le canal de Thieriot. J'ai l'honneur, etc.

20. AU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin, 20 août 1747.

Enfin, vous voilà arrivé à Paris, où je suis bien aise de vous savoir. Si vous voulez faire toutes mes commissions, je vous dirai tout ce qu'il me faut, ce que vous me procurerez en tout ou en partie : un ou deux peintres habiles; un bon valet de comédie,


a Voyez, ci-dessus, l'Avertissement de l'Éditeur, p. I.