<231>France, elle lui aura été accordée sans doute en faveur de l'Épître dédicatoire de Tancrède, adressée à la Pompadour. Tout ce qui le touche ne m'affecte guère, et je suis très-persuadé que, s'il est même réconcilié avec la cour, à la première incartade il sera obligé de décamper de nouveau. Cet homme n'a point de suite dans sa conduite. Je ne lui vois de projet continu que celui d'amasser de l'argent; c'est le seul dont il ne s'écarte jamais, sans scrupule et sans pudeur pour le choix des moyens, et toujours altéré d'une soif insatiable des richesses. Laissons ce misérable se prostituer lui-même par la vénalité de sa plume, par la perfidie de ses intrigues et par la perversité de son cœur, tandis que vous travaillerez tranquillement à votre Amyot, et que vous rendrez un service réel à tous les amateurs des lettres, tandis que je serai ici à m'opposer à la conjuration de toute l'Europe, et tandis que les Anglais et les Français feront leur paix. Je vous rends grâces des faveurs de la fortune que vous me promettez. J'en ai grand besoin; aussi lui ai-je voué une belle statue d'or, si elle ne m'abandonne point cette guerre. Tous les empereurs romains en avaient une, placée dans la chapelle de leurs lares. Je lui dois beaucoup; pourquoi ne lui rendrais-je pas les mêmes honneurs? Adieu, mon cher marquis; écrivez-moi autant que la correspondance demeurera ouverte, et soyez persuadé de mon amitié.

176. DU MARQUIS D'ARGENS.

Potsdam, 6 juin 1761.



Sire,

J'ai eu l'honneur de recevoir une de vos lettres à Havelberg, et, le lendemain, une autre à Rathenow, et c'est de Potsdam que je réponds à V. M. Mes crampes d'estomac sont devenues si fréquentes, que les médecins m'ont conseillé de faire pendant dix ou douze jours un voyage pour me secouer, et de prendre ensuite