<307>mai, il y aura un beau sabbat dans cette pauvre Europe, et ce sera de cette façon-là que nous trouverons la fin de cette détestable guerre. Je relis à présent l'Histoire de Fleury,a dont je m'accommode très-bien. Cela tiendra bon jusqu'au mois de juillet; c'est une pièce de résistance qui fournit des aliments pour une demi-campagne. Je ne vous en dis pas davantage à présent, mon cher marquis; j'attends de grandes nouvelles, que je vous enverrai toutes chaudes, dès que je les aurai reçues. Adieu, mon cher; je vous embrasse.

233. DU MARQUIS D'ARGENS.

Berlin. 11 avril 1762.



Sire,

La lettre de Votre Majesté a fait hausser mes espérances de dix degrés. Elle me parle de ma gaieté; quelque grande qu'elle soit, je la trouve encore fort modeste, et je regarde comme un miracle que ma pauvre tête ne se soit pas totalement démontée depuis le mois de février. Mais si ce dont vous me parlez au sujet des gens que j'ai vus autrefois avec M. d'Andrezel a lieu, je ne réponds plus de rien, et je serai peut-être obligé de me faire mettre une trentaine d'épingles dans le derrière, pour déterminer les esprits vitaux vers les parties basses et les empêcher de se porter avec trop de rapidité au cerveau. Plaisanterie à part, si jamais j'apprends que les mouvements que vous attendez ont été effectués, je ne réponds pas que la joie ne fasse en moi quelque révolution trop grande. Je sens trop la conséquence d'un événement tel que celui que vous espérez, j'en vois trop bien les suites heureuses, pour être véritablement tranquille jusqu'au moment que je le saurai arrivé. Permettez-moi, Sire, de vous citer ce vers d'un de nos meilleurs poëtes :

Je le souhaite trop pour le croire sans peine.


a Voyez t. VII, p. VI et VII, et p. 149-164; t. XIV, p. XII, et p. 108-169.