<315>et je m'imagine que, quand toutes les cervelles se seront détraquées jusqu'au dernier point, la raison alors leur reviendra tout d'un coup, comme à des gens attaqués de la fièvre chaude, qui, après un long accès de frénésie, tombent dans un sommeil profond, et recouvrent leurs sens au réveil. Que cet heureux moment se fait longtemps attendre, et qu'il en coûte pour que l'Europe en travail accouche de cette paix tant désirée! Soit en paix, soit en guerre, heureux ou malheureux, absent ou présent, vous me retrouverez toujours le même, c'est-à-dire vous aimant et vous estimant comme j'ai toujours fait. Adieu, mon cher marquis, et bonsoir; je vais me coucher.

240. DU MARQUIS D'ARGENS.

Avril (mai) 1762.



Sire,

J'avais oublié de remettre à M. de Catt les deux pièces de M. d'Alembert que V. M. m'avait fait la grâce de me communiquer; j'ai l'honneur de les lui renvoyer. Il y a dans tout cela du bon, du singulier et du mauvais. Il est fâcheux qu'au beau génie du siècle de Louis XIV succède un esprit de paradoxe qui tôt ou tard ruinera le bon goût, et détruira à la fin le bon sens.

V. M. travaille donc sur les Pères de l'Église? J'avais eu l'honneur de lui dire plusieurs fois qu'il ne manquait plus à ses lectures qu'une douzaine de tomes in-folio, après quoi elle pourrait disputer avec Dom Calmeta et tous les bénédictins de l'univers.

Je parcours l'Écriture, et les remarques que je fais doivent servir aux notes que je fais sur Timée de Locres, dont j'ai traduit les ouvrages, qui n'ont jamais paru en langue vulgaire. C'est un fou de la première classe que ce Timée de Locres; pas un mot de bon sens dans ses ouvrages; mais sa philosophie a servi de base


a Voyez t. XV, p. IV, et p. 35-60.