<346>remporter sur les généraux Lacy, Beck et O'Donnell. J'espère que cela hâtera bientôt l'arrivée des postillons dont vous voulez bien avoir la complaisance de régaler les bons Berlinois. Si la prise de Schweidnitz nous procure la paix à la fin de la campagne ou pendant le cours de l'hiver, elle vaudra la prise d'un royaume entier. Après sept ans d'une guerre affreuse, ne serait-il pas temps que la paix réparât tant de maux, et que le barbare acharnement de vos ennemis cessât, et ne tentât pas davantage d'inutiles efforts qui ne servent qu'à entretenir une horrible confusion et un cruel désordre dans toute l'Europe?

On parle beaucoup de la paix entre la France et l'Angleterre. Si cette paix peut occasionner celle de toutes les puissances belligérantes, je la souhaite; mais, si elle ne produit pas cet effet, je ne vois pas qu'elle puisse nous être de grande utilité, surtout si elle a lieu comme l'insinuent les papiers publics. V. M. doit savoir mieux que personne ce qui se passe à ce sujet; ainsi, comme je la vois contente, je suis tranquille sur tous les bruits qui courent.

Toutes les lois que vous me parlez, Sire, de votre prétendue vieillesse, je cours ouvrir mon almanach, et j'y vois que j'ai neuf ans plus que vous, étant entré depuis un mois dans mes soixante ans. Je ferme tout doucement mon livre, sans dire mot, et je reste fort confus qu'un homme qui a deux lustres moins que moi se plaigne de sa vieillesse. Si jamais vous étiez tranquille à Sans-Souci, vous rajeuniriez de dix ans, et moi de quinze. Alors, dans la joie et dans la tranquillité, vous vivrez autant qu'Abraham, et moi que Jacob; Sans-Souci sera pour nous le climat de l'Arabie.

Nous attendons ici avec impatience quelques détails du dernier avantage que vous venez de remporter, dont nous n'avons reçu qu'une nouvelle en gros, mais qui a répandu une joie générale dans tout Berlin. Puissions-nous avoir bientôt le plaisir de vous y voir arriver heureux, content, et jouissant d'une parfaite santé! J'ai l'honneur, etc.

264. AU MARQUIS D'ARGENS.

Péterswaldau, 23 août 1752.

Nous avons été plus heureux, mon cher marquis, que nous n'osions l'espérer. C'était le maréchal Daun, à la tête de cinquante-cinq bataillons et de cent treize escadrons, que nous avons battu. Il s'est retiré le lendemain à Wartha, et le jour suivant à Scharfeneck, près de Braunau. Le commandant de Schweidnitz a voulu capituler, ce qui lui a été refusé, à moins qu'il ne voulût se rendre prisonnier de guerre. Une garnison de dix mille hommes n'est pas un objet indifférent; si nous ne le prenons pas dans la ville, encore moins le prendrions-nous de retour à l'armée et perché sur les plus inaccessibles montagnes. Ayez patience encore huit jours, et nous serons à la fin de ces travaux, Schweidnitz pris, la garnison prisonnière, et les postillons, etc.

Vous me parlez de la paix des Anglais et des Français. Je ne la crois pas aussi avancée que le débitent les gazetiers; je crois que ce qui se fera entre ces deux puissances pourra être regardé par vous et par nos bons Berlinois avec des yeux assez indifférents. La paix générale, dont vous me parlez, est fort à désirer, mais bonne, mais avantageuse et solide. Je ne sais que vous dire sur ce chapitre; toute l'Europe sans doute en a besoin. Mais, quand on a affaire à des diablesses de femmes, on trouve plus de caprice, de fantaisies et d'oppositions que de raisons. En attendant, je grisonne, et je commence à croire que je serai enterré avant la paix. Un pauvre tisserand du voisinage, qui a la démence de se croire inspiré, nous prophétise encore six années de guerre. Vous avancez étrangement votre âge, mon cher marquis; passé une année, à Leipzig, je me souviens que vous aviez cinquante-cinq ans; comment en auriez-vous soixante aujourd'hui? Je vous promets des postillons de toute espèce à la prise de Schweidnitz. Cependant ne vous flattez pas que cet événement soit suivi de la paix; je n'y vois encore aucune apparence. Laissons agir ce je ne sais quoi qui gouverne le monde, travaillons à remplir notre tâche, et ayons patience; il n'arrivera ni plus ni moins que ce qui doit arriver. Nous n'aurons plus de