<348>pour avoir ce poste, il faut attendre la paix. Dieu nous la donne! nous en avons tous besoin. D'ailleurs, je pense bien, ainsi que V. M., qu'il la faut bonne, honorable et durable; j'aime mieux souffrir encore dix ans, s'il le faut, et tous les bons citoyens doivent penser et pensent de même.

Voilà la Havane prise par les Anglais, nombre de millions, plusieurs vaisseaux de guerre. Les Espagnols n'étaient-ils pas possédés du diable d'aller se déclarer uniquement pour se faire écraser et pour rendre la paix plus difficile?

V. M. peut juger de l'inquiétude où nous sommes, et de l'impatience que nous avons d'apprendre le sort de Schweidnitz. C'est aujourd'hui le 2 de septembre. Je ne puis croire que les assiégés restent encore longtemps à capituler, s'ils ne l'ont pas déjà fait. J'ai l'honneur, etc.

266. AU MARQUIS D'ARGENS.

Péterswaldau, 6 septembre 1762.

Vous êtes sans contredit le plus galant des marquis de m'envoyer de si beaux livres, si bien dorés et reliés. Il n'y manque, mon cher, que l'étoffe, qui est mince et qui ne vaut pas la couverture; mais enfin, je vous remercie de la bonté que vous avez de penser à moi. Je félicite le libraire de trouver à débiter son édition en Russie; ce ne sera probablement qu'en ce pays-là que je pourrai passer pour bon poëte français. Vous avez peut-être cru m'envoyer ma récompense pour mon siége de Schweidnitz; vous vous êtes trompé, mon cher; je suis aussi maladroit à prendre des places qu'à faire des vers. Un certain Gribeauval,a qui ne se mouche pas du pied, et dix mille Autrichiens nous ont arrêtés jusqu'à présent. Cependant je dois vous dire que le commandant et sa garnison sont à l'agonie; on leur donnera incessamment le viatique. Mous sommes à la palissade, et une mine qui jouera


a Voyez t. V, p. 2-9.