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275. DU MÊME.

Berlin, octobre 1762, après avoir envoyé à S. M. Timée de Locres.



Sire,

Votre Majesté a trop de complaisance en approuvant le faible ouvrage que j'ai eu l'honneur de lui envoyer. Si quelque chose peut mériter de V. M. un peu d'indulgence en sa faveur, c'est l'intention que j'ai eue en le composant. Vous aurez pu vous apercevoir, en le parcourant, que le fanatisme, auquel des hommes aveuglés ont donné le nom de religion, y est toujours attaqué, soit directement, soit indirectement. Voilà ce qui peut faire lire mon livre avec quelque plaisir à des gens raisonnables. Mais, d'ailleurs, qu'est-ce qu'un ouvrage d'érudition à côté d'un ouvrage d'esprit et d'imagination? C'est un pesant et tardif chameau marchant à côté d'un genêt d'Espagne. Une seule de vos Épîtres contient plus de pensées et de traits ingénieux que trois volumes in-folio de Scaliger. Je compare la première à un écrin qui, dans sa petitesse, contient un million en diamants, et les seconds à un gros coffre où l'on a enfermé pêle-mêle des pièces de toile, de drap, et quelques autres marchandises, bonnes, à la vérité, dans ce qu'elles sont, mais du prix le plus modique, eu égard aux diamants.

Que V. M. me permette de la remercier des deux tableaux qu'elle m'a fait la grâce de m'accorder avec tant de bonté. Ce sont deux pièces que vous fîtes peindre autrefois par le fils de Harper,a lorsqu'il lui fallait quelque argent pour aller à Rome. Vous n'avez jamais jugé à propos de les placer, et ils étaient par terre, dans la chambre qui touche celle qu'occupait le prince Ferdinand de Brunswic. Vous les aviez réellement destinés à me les donner, comme j'ai eu l'honneur de vous l'écrire. Ils sont superbes pour mon cabinet, et ils étaient véritablement trop médiocres pour aucun de vos appartements; sans quoi je ne vous aurais pas rappelé la plaisanterie que vous aviez faite sur ce qu'il fallait que je fisse pour les avoir.


a Voyez t. XVII. p. 260.