<63>par le passé, et je ne doute pas qu'un calme heureux ne succède bientôt à tant de tempêtes. Je regarde la ligue d'aujourd'hui comme celle de Cambrai; elle ne produira, ainsi qu'elle, aucun effet, et s'en ira de même en fumée.

V. M. a bien tort de me dire que le mal d'autrui n'est que songe. Je vous l'ai déjà dit plusieurs fois, Sire, mon sort, par les arrangements que j'ai pris, est si fort attaché à la conservation de V. M., que, si j'avais le malheur de la perdre, Dieu sait ce que je deviendrais. Ce qu'il y a de certain, c'est que j'irais plutôt à la Jamaïque ou à la Nouvelle-Écosse que de retourner en France. Mais, à propos de ma très-chère patrie, vous venez de mettre en deuil plus de trente femmes que vous avez rendues veuves par le changement des prisonniers de guerre; en revanche, vous avez tari la source de cinquante fausses nouvelles que ces messieurs publiaient tous les jours; c'était ainsi qu'ils payaient les politesses dont on les accablait.

J'ai reçu une lettre de Voltaire. Il y avait quatre ans qu'il ne m'avait écrit; mais il n'a pu résister à l'envie de savoir ce que je pensais du révérend père Malagrida et des autres jésuites portugais. Que dit V. M. de ces honnêtes gens? L'aventure du roi de Portugala est une belle leçon pour tous les rois, et surtout pour les rois protestants. C'est une chose affreuse que le pape ose soutenir d'infâmes parricides, et qu'un prince cruellement assassiné n'ose pas chasser de ses États les principaux auteurs de son assassinat. Voilà un beau sujet pour faire, sous le nom d'un quaker, un sermon contre toutes les religions qui ont des prêtres. Si je n'étais pas encore incommodé et toujours souffrant de ma jambe, j'aurais déjà donné matière à une nouvelle brochure. J'ai l'honneur, etc.


a Le 3 septembre 1758. Voyez t. IV, p. 254, et t. XV, p. 164 et 181.