<129>à Frauenberg sans trop savoir pourquoi. Bientôt les Autrichiens arrivèrent; ils lui enlevèrent un détachement à Tein; ils passèrent la Moldau, et pillèrent tout le bagage des Français. M. de Broglie, tout étonné de ce qui lui arrivait, ne sut que fuir à Pisek; de là, ayant donné pour toute disposition ces mots : « l'armée doit marcher, » il se retira à Braunau, d'où trois mille Croates le chassèrent, et le poursuivirent jusque sous les canons de Prague.

Ces mauvaises nouvelles firent expédier un courrier à Breslau pour hâter la conclusion de la paix. L'éloquence du lord Hyndford, fortifiée du gain d'une bataille, parut plus nerveuse aux ministres autrichiens qu'elle ne leur avait paru auparavant : ils se prêtèrent aux conseils du roi d'Angleterre, et voici les articles des préliminaires qui furent signés à Breslau.a 1o La cession que la reine de Hongrie fait au roi de Prusse de la Haute et de la Basse-Silésie et de la principauté de Glatz, excepté les villes de Troppau, de Jägerndorf, et des hautes montagnes situées au delà de l'Oppa. 2o Les Prussiens seront chargés de rembourser aux Anglais un million sept cent mille écus hypothéqués sur la Silésie. Les autres articles étaient relatifs à la suspension d'armes, à l'échange des prisonniers, à la liberté de religion comme au commerce.

Ainsi la Silésie fut réunie aux États de la Prusse. Deux années de guerre suffirent pour la conquête de cette importante province. Le trésor que le feu roi avait laissé, se trouva presque épuisé; mais c'est acheter à bon marché des États, quand il n'en coûte que sept ou huit millions. Le bénéfice des conjonctures seconda surtout cette entreprise : il fallut que la France se laissât entraîner dans cette guerre; que la Russie fût attaquée par la Suède; que, par timidité, les Hanovriens et les Saxons restassent dans l'inaction; que les succès fussent non-interrompus, et que le roi d'Angleterre, ennemi des Prussiens, devînt, en frémissant de rage, l'instrument de leur agrandissement. Ce qui contribua le plus à cette conquête, c'était une armée qui s'était formée pendant vingt-deux ans par une admirable discipline, et supérieure au reste du militaire de l'Europe; des généraux vrais citoyens, des ministres sages et incorruptibles, et enfin un certain bonheur


a Le 11 juin 1742.