<53>grands chemins et l'archisablier de l'empire romain : tous les procédés de ce prince portaient l'empreinte du plus profond mépris. Les officiers prussiens qui, selon les priviléges des électeurs, enrôlaient des soldats dans les villes impériales, se trouvaient exposés à mille avanies : on les arrêtait, on les traînait dans des cachots, où on les confondait avec les plus vils scélérats; enfin ces excès allaient à un point qu'ils n'étaient plus soutenables. Un misérable évêque de Liége se faisait honneur de donner des mortifications au feu roi. Quelques sujets de la seigneurie de Herstal, appartenant à la Prusse, s'étaient révoltés; l'évêque leur donna sa protection. Le feu roi envoya le colonel Kreytzen à Liége, muni d'un créditif et de pleins pouvoirs, pour accommoder cette affaire. Qui ne voulut pas le recevoir? ce fut monsieur l'évêque; il vit arriver trois jours de suite cet envoyé dans la cour de sa maison, et autant de fois il lui en interdit l'entrée.

Cet événement, et bien d'autres encore qu'on omet par amour de la brièveté, apprirent au Roi qu'un prince doit faire respecter sa personne, surtout sa nation; que la modération est une vertu que les hommes d'État ne doivent pas toujours pratiquer à la rigueur, à cause de la corruption du siècle; et que, dans ce changement de règne, il était plus convenable de donner des marques de fermeté que de douceur.

Pour rassembler ici tout ce qui pouvait animer la vivacité d'un jeune prince parvenu à la régence, ajoutons-y que Frédéric Ier, en érigeant la Prusse en royaume, avait par cette vaine grandeur mis un germe d'ambition dans sa postérité, qui devait fructifier tôt ou tard. La monarchie qu'il avait laissée à ses descendants, était, s'il m'est permis de m'exprimer ainsi, une espèce d'hermaphrodite qui tenait plus de l'électorat que du royaume. Il y avait de la gloire à décider cet être, et ce sentiment fut sûrement un de ceux qui fortifièrent le Roi dans les grandes entreprises où tant de motifs l'engageaient.

Quand même l'acquisition du duché de Berg n'eût pas rencontré des obstacles presque insurmontables, le sujet en était si mince, que la possession n'en agrandissait que très-peu la maison de Brandebourg. Ces réflexions firent que le Roi tourna ses vues sur la maison d'Autriche, dont la succession, après la mort de