<91>négociation avait si bien réussi, que M. de Neipperg était près d'abandonner la Silésie, pourvu que le Roi lui déclarât verbalement qu'il n'entreprendrait rien contre la Reine. Les ennemis se contentaient d'un pourparler qui valait des provinces à l'État, et des quartiers d'hiver tranquilles aux troupes fatiguées de onze mois d'opérations. La séduction était forte : le Roi voulut tenter ce qui pourrait résulter de cette conférence. Il se rendit en secret, accompagné du seul colonel Goltz, à Ober-Schnellendorf,a où il trouva le maréchal Neipperg, le général Lentulus et le lord Hyndford.

Ce ne fut pas sans réflexion que ce prince fit cette démarche. Quoiqu'il eût quelque sujet de se plaindre de la France, ces mécontentements n'étaient pas assez forts pour rompre avec elle. Il connaissait par son expérience les dispositions de la cour de Vienne; il n'en pouvait rien attendre d'amiable : il était clair que la reine de Hongrie ne se prêtait à cette convention que pour semer la méfiance entre les alliés en l'ébruitant. Il fallait donc exiger des Autrichiens, comme une condition sine quâ non, que s'ils divulguaient le moins du monde les conditions dont on conviendrait, ce serait autoriser le Roi à rompre cette convention; le Roi était bien sûr que cela ne manquerait pas d'arriver. Le lord Hyndford tint le protocole au nom de son maître : on convint que Neisse ne serait assiégée que pour la forme; que les troupes prussiennes ne seraient point inquiétées dans les quartiers qu'elles prendraient en Silésie comme en Bohême; et surtout que, sans le secret le plus rigide, tout ce qu'on venait de régler serait nul de toute nullité. Il faut avouer que s'il y a une fatalité, elle s'est surtout manifestée sur M. de Neipperg, qui paraissait destiné à faire les traités les plus humiliantsa pour ses souverains. Peu après, M. de Neipperg fit prendre à son armée la route de la Moravie. Le siége de Neisse fut aussitôt commencé : la ville ne tint que douze jours; la garnison autrichienne n'en était pas encore sortie, que les ingénieurs prussiens y traçaient déjà les nouveaux ouvrages qui par la suite la rendirent une des bonnes places de l'Europe. La ville prise, on sépara l'armée : une partie marcha


a Klein-Schnellendorf.

a Voyez ci-dessus, p. 7.