<153>Dont l'amour-propre punissable
Augmentait ma prévention.
Je vis, et mon œil équitable
Plaignit mon travail pitoyable;
Mes vers, mon tudesque jargon,
Tout me parut insupportable;
Puis, sans faire d'autre façon,
Sans plus flatter ma passion,
J'envoyai mon démon au diable.
Dieu nous garde du talion!

Je suis dans le cas de ces Espagnols établis au Mexique, qui fondent une divinitéa fort singulière sur la beauté de leur peau bise et de leur teint olivâtre. Que deviendraient-ils, s'ils voyaient une beauté européenne, un teint brillant des plus belles couleurs, une peau dont la finesse est comme celle de ces vernis qui couvrent les peintures, et laissent entrevoir jusqu'aux traits du pinceau les plus subtils? Leur orgueil, ce me semble, se trouverait sapé par le fondement; et je me trompe fort, ou les miroirs de ces ridicules Narcisses seraient cassés avec dépit et avec emportement.

Vous me paraissez satisfait des mémoires du czar Pierre Ier, que je vous ai envoyés, et je le suis de ce que j'ai pu vous être de quelque utilité. Je me donnerai tous les mouvements nécessaires pour vous faire avoir les particularités des aventures de la Czarine, et la vie du czarowitz, que vous me demandez. Vous ne serez pas satisfait de la manière dont ce prince a fini ses jours, la férocité et la cruauté de son père ayant mis fin à sa triste destinée.

Si l'on voulait se donner la peine d'examiner à tête reposée le bien et le mal que le Czar a faits dans son pays, de mettre ses bonnes et mauvaises qualités dans la balance, de les peser, et de juger ensuite de lui sur celles de ses qualités qui l'emporteraient, on trouverait peut-être que ce prince a fait beaucoup de mauvaises actions brillantes, qu'il a eu des vices héroïques, et que ses vertus ont été obscurcies et éclipsées par une foule innombrable de vices. Il me semble que l'humanité doit être la première qualité d'un homme raisonnable. S'il part de ce principe, malgré ses défauts, il n'en peut arriver que du bien. Mais si, au contraire, un homme n'a que des sentiments barbares et inhu-


a Une vanité. (Variante des Œuvres posthumes, t. X, p. 119.)