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47. DE VOLTAIRE.

(Cirey) février 1738.

Monseigneur, une maladie qui a fait le tour de la France est enfin venue s'emparer de ma figure légère, dans un château qui devrait être à l'abri de tous les fléaux de ce monde, puisqu'on y vit sous les auspices divi Federici et divae Emiliae. J'étais au lit lorsque je reçus à la fois deux lettres bien consolantes de V. A. R. : l'une par la voie de M. Thieriot, à qui V. A. R., très-juste dans ses épithètes, donne celle de trompette, mais qui est aussi une des trompettes de votre gloire; l'autre lettre est venue en droiture à sa destination.

Toutes celles dont vous m'avez honoré, monseigneur, ont été autant de bienfaits pour moi; mais la dernière est celle qui m'a causé le plus de joie. Ce n'est pas simplement parce qu'elle est la dernière; c'est parce que vous avez jugé des défauts de Mérope comme si V. A. R. avait passé sa vie à fréquenter nos théâtres. Nous en parlions, la sublime Émilie et moi, et nous nous demandions si cette crainte que marquait Polyphonte au quatrième acte, si cette langueur du vieux bonhomme Narbas, et ce soin de se conserver, au cinquième, auraient déplu à V. A. R. Le courrier des lettres arriva, et apporta vos critiques; nous fûmes enchantés. Que croyez-vous que je fis sur-le-champ, monseigneur, tout malade que j'étais? Vous le devinez bien; je corrigeai et ce quatrième, et ce cinquième acte.

Je m'étais un peu hâté, monseigneur, de vous envoyer l'ouvrage. L'envie de présenter des prémices divo Federico ne m'avait pas permis d'attendre que la moisson fût mûre; ainsi je vous supplie de regarder cet essai comme des fruits précoces; ils approchent un peu plus actuellement de leur point de maturité. J'ai beaucoup retouché la fin du second, la fin du troisième, le commencement et la fin du quatrième, et presque la moitié du cinquième. Si V. A. R. le permet, je lui enverrai, ou bien une copie des quatre actes retouchés, ou bien seulement les endroits corrigés.

Je crois que M. Thieriot enverra bientôt à V. A. R. une