<332>A placé mon héros, l'exemple des vrais sages;
Il commande aux esprits, il est roi sans pouvoir.
Au pied du mont Rémus finissez vos voyages;
L'univers n'est plus rien, vous n'avez rien à voir.
Ciel! quand arriverai-je à la montagne auguste
Où règne un philosophe, un bel esprit, un juste,
Un monarque fait homme, un dieu selon mon cœur?
Mont sacré d'Apollon, double front du Parnasse,
Olympe, Sinaï, Thabor, disparaissez.
Oui, par ce mont Rémus vous êtes effacés
Autant que Frédéric efface
Et les héros présents, et tous les dieux passés.

J'en demande pardon, monseigneur, à Sinaï et à Thabor; la verve m'a emporté; j'ai dit plus que je ne devais dire. D'ailleurs, les foudres et les tonnerres du mont Sinaï n'ont point de rapport à la vie philosophique qu'on mène au mont Rémus, et la transfiguration du Thabor n'a rien à démêler avec l'uniformité de votre charmant caractère. Enfin, que V. A. R. pardonne à l'enthousiasme; n'est-il pas permis d'en avoir un peu quand on vient de lire la belle Épître dont votre muse française a régalé mylord Baltimore?

Je vois que mon prince a mis encore la connaissance de la langue anglaise dans ses trésors. Dulces sermones cujuscunque linguae.a Je crois que ce lord Baltimore aura été bien surpris de voir un prince allemand écrire en vers français à un Anglais; mais que voulez-vous? je suis encore plus surpris que lui. Je n'entends rien à ce prodige de la nature. Comment se peut-il faire, encore une fois, qu'on écrive si bien dans la langue d'un pays où l'on n'a jamais été? Pour Dieu! monseigneur, dites donc votre secret.

J'enverrais bien aussi des vers à V. A. R., si j'osais; elle aurait le cinquième acte de Mahomet; mais c'est qu'il n'est pas encore transcrit, et, pour les quatre premiers, ils sont actuellement repolis. Si votre beau génie a été un peu content de cette faible ébauche, j'ose espérer qu'elle aura encore la même indulgence pour l'ouvrage achevé. Elle ne trouvera plus certaines répétitions, certains vers lâches et décousus, qui sont des pierres d'at-


a

Docte sermones utriusque linguae.

Horace,

Odes

, liv. III, ode 8, v. 5.